Michel Dunand nous dit qu’après avoir par­lé de lui, il par­le des autres. Fort bien, idée généreuse qui se fait ouver­ture. Mais par­ler des autres, n’est-ce pas con­tin­uer à par­ler de soi à tra­vers les autres ? Car si J’ai jardiné les plus beaux vol­cans, j’y ai fait des choix. Ceux qui, quelque part, me ressem­blent et m’éclairent sur moi-même. Pour­tant, l’auteur de dit-il pas, par la voix de Tru­man Capote : Ne pas pass­er à côté de soi. C’est tou­jours le por­trait par soi-même que l’on fait.

Savoir vivre
Allumer la poudre
et non l’éteindre
 

Et pour­tant, l’état de la vie des autres ne quitte pas M. Dunand : San Fran­cis­co : 52000 sans-abris en 1999.

Les chemins, les routes de divers con­ti­nents, il les sil­lonne par delà tout écran, tout bar­rage. M. Dunand ne vagabonde pas. Il observe, donne des nou­velles du monde, bonnes ou mau­vais­es, surtout de la pau­vreté. Tout événe­ment passé ou présent revient à soi. On se sent moins ridicule, moins mal­adroit. N’empêche que le monde extérieur sous forme de vol­cans éteints m’apaise et me ras­sure. N’empêche qu’on ne peut pas ne pas revenir aux mots, dans l’intervalle éblouis­sant qui les relie.
Il y a un besoin du monde qui peut provenir de n’importe quoi, qui appelle sans cesse. Une vérité s’impose :

Le sang
Repeint
sans fin
la forêt
de tôle
usée

 

Hom­mages ren­dus à des per­son­nes, à des lieux, à des visions du monde en toute sim­plic­ité, en ne revendi­quant autre titre grandil­o­quent, se con­tentant d’être : voyageur pèlerin amoureux.
Est-ce une volon­té de retrou­ver un élan à vivre en pas­sant par les autres et le monde :
 

Mon besoin
de renaître
est si vif
 

Il y a un aban­don de soi, une cer­taine amer­tume qui suinte comme si tout était déjà du passé : j’ai jardiné. Reste un espoir aguer­ri au plus pro­fond désir : soi devenu insuff­isant fait appel à tout ce qui l’entoure pour devenir un tout par un dou­ble mou­ve­ment, celui d’entrer dans toutes les choses du monde et celui d’entrer en soi pour que tout vibre dans une coïn­ci­dence, une force, un repos, une sérénité con­quise : le côté posi­tif du monde. Le livre se ter­mine sur une évo­ca­tion de Delacroix qui atteint l’unité par le côté viv­able de l’existence même, s’il faut recourir au sym­bole, au rêve.

Le tout dernier texte où M. Dunand par­le de beauté, d’infini se réfère à Camus. Est-ce d’une lumière qu’il veut nous par­ler sans la nom­mer ? Ou nous dire : choisir et ne rien regret­ter point de départ du recueil ?

 

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