Un seul être vous manque et tout est dépe­u­plé… Un être appa­raît et tout recom­mence. Autrement dit, un être cher dis­paraît et le poète écrit un tombeau. Une femme fait irrup­tion dans sa vie et Patrick Pérez Sécheret écrit un jardin poé­tique où pros­es, vers libres, haïkus, con­tes et pen­sées divers­es glo­ri­fient ou célèbrent cette ren­con­tre et la femme. Peu importe finale­ment qu’il s’agisse de Léa ou d’Anne Béa­trice (puisque ces deux indices sont dis­séminés dans le livre) ! La grande var­iété des gen­res abor­dés autorise le lecteur à s’in­ter­roger sur la nature du recueil en poésie. Force est de con­stater, qu’avec Pérez Sécheret, tout est permis…

L’au­teur est con­scient de la dif­fi­culté d’éviter la naïveté ou le con­venu. Il le dit claire­ment dans un petit pavé de prose : “Dire des beaux mots est bien plus com­pliqué que d’en dire des gros, des laids et des qui sen­tent mau­vais”. D’où cette écri­t­ure, com­ment dire, con­tournée. Ain­si dans ces vers qui affir­ment que même le temps qui passe se mod­i­fie : “Je voudrais être / apôtre ses sec­on­des”. Une écri­t­ure rem­plie d’in­cer­ti­tudes et de ques­tions. Place est faite égale­ment aux lec­tures car on s’en­ri­chit par les expéri­ences des autres ; elles vien­nent par­fois con­firmer les nôtres.

À lire atten­tive­ment ce recueil de bout en bout, on se demande quelle est la con­cep­tion du recueil qu’a Patrick Pérez Sécheret. Les nom­breuses suites de haïkus pour­raient faire l’ob­jet d’une pla­que­tte indépen­dante, tant le ton en est sin­guli­er (bien que le poète ne respecte pas la règle des 17 syl­labes en trois vers). De même, on se prend à rêver d’un recueil de con­tes en lisant quelques pros­es. On a l’im­pres­sion que pour Pérez Sécheret la poésie est l’oc­ca­sion d’une totale lib­erté qui con­sis­terait alors à abor­der son sujet de toutes les manières qui lui passent par la tête. Il nég­lig­erait donc les con­traintes spé­ci­fiques à la poésie encore qu’à bien le lire, on s’aperçoit qu’il respecte les con­traintes de tel ou tel genre par­ti­c­uli­er (comme le con­te, par exem­ple). Même un  texte comme Drôles d’oiseaux les humains qui sem­ble d’une autre veine (la nature abîmée) que celle (amoureuse) qui irrigue le livre, se rac­croche finale­ment au sen­ti­ment amoureux par la dernière phrase : “… aimons-nous un peu longtemps dans un songe de print­emps”.  Et si le poème en vers libres prend par­fois l’al­lure d’un Inven­taire à la Prévert, on ne s’é­tonne pas, tant c’est le recueil dans sa total­ité qui a une telle allure.

En défini­tive, ce recueil est à lire comme un jour­nal qui vise à saisir des instants d’é­ter­nité ou des instants boulever­sés. Tout y dit avec déli­catesse : amour impos­si­ble ou sans lende­main ? Avec toutes ses dif­fi­cultés : “on ne s’est rien promis l’un l’autre” ou “Si on aime, on ne pos­sède ni le corps ni le cœur de l’autre…”  Ce qui n’empêche pas de trou­ver au détour d’une page quelques frag­ments qui son­nent comme une maxime : “Mieux vaut s’adress­er à dieu en direct, sans inter­mé­di­aire : nous n’obtenons pas davan­tage de réponse mais nous gar­dons notre dig­nité” ou comme une trace de sagesse : “La crainte du bon­heur avive / les vieilles douleurs parsemées / de blet­tis­sures enfouies”… Qui sont de vrais plaisirs de lecture.

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