Tino Vil­lanue­va est né en 1941 au Texas, a fait à la force du poignet une bril­lante car­rière uni­ver­si­taire, et écrit six recueils de poèmes très par­ti­c­uliers, sou­vent d’une émo­tion extrême, dont les thèmes sont liés à son sort de descen­dant de “chi­canos”, issus du “bar­rio” mex­i­cain, aux USA. Ce sont des poèmes — le pre­mier recueil surtout — en par­tie spon­tanés d’un auto­di­dacte, promis à devenir plus tard pro­fesseur dans plusieurs uni­ver­sités, dont celle de Boston où il sera spé­cial­iste notam­ment des idiomes issus de mix­ages cul­turels. Cette poésie très directe et intense offre un cli­mat à la fois déroutant, dans cer­tains cas, et plein d’hu­man­ité, que les deux tra­duc­tri­ces ont su ren­dre avec une sim­plic­ité que j’ai trou­vée élé­gante et très effi­cace. De plus chaque poème com­porte son orig­i­nal en regard, ce qui devrait être la règle de ce genre d’édi­tions, même si cela dou­ble le vol­ume du livre… L’ar­rière-plan de cette oeu­vre, bien con­nue aux USA, est celui d’une ascen­sion vers la cul­ture et la poésie, mue par un espoir vio­lent et obstiné, à par­tir du “bas de l’échelle sociale”. Toute une philoso­phie de la des­tinée humains y est sous-jacente. Il y aurait telle­ment de com­men­taires à faire sur ce poète, sur la mix­ité des langues qui l’in­téresse, sur son rap­port au temps, à la des­tinée, sur sa con­fronta­tion à la société con­tem­po­raine, que j’in­vite les lecteurs éventuels qui m’ac­cor­dent un peu de sens poé­tique à se pencher sur ce pre­mier livre en français de la poésie d’un auteur jamais traduit, à la per­son­nal­ité pas­sion­nante, et qui reflète telle­ment pro­fondé­ment le sort de tant de per­son­nes de notre temps qui ont vécu, ou qui descen­dent de per­son­nes qui ont vécu, l’aven­ture de l’im­mi­gra­tion à par­tir de pays en dif­fi­culté, vers des sociétés occi­den­tales de plus haut niveau. Par de sim­ples traits sur­gis­sent les prob­lèmes de l’ac­cli­mata­tion à une cul­ture très dif­férente, plus exigeante et plus com­péti­tive que la société d’o­rig­ine. Il y a de longs poèmes, mais aus­si de petits poèmes qui en dis­ent long et je ne puis me retenir d’en citer un sur lequel je finis cette note :

 

                 NE PAS SAVOIR, À AZTLÀN

La façon dont ils te regardent

    les maîtres d’école

la façon dont ils te regardent

  les ronds de cuir de mairie

la façon dont ils te regardent

    les flics

    la police à l’aéroport

      tu ne sais pas si c’est pour quelque chose que tu as fait

                                            ou pour ce que tu es
 

 

À mon sens, on entre ain­si de plain-pied dans la poésie de Tino Vil­lanue­va, écrivant son XXIème siè­cle, de fait celui de tous !

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