Béa­trice Lib­ert, auteure belge, ayant reçu en 2014 le Prix Jean Kobs de l’A­cadémie royale de langue et de lit­téra­ture français­es de Bel­gique, pour son recueil poé­tique Écrire comme on part, vient de pub­li­er aux édi­tions Le Tail­lis Pré L’au­ra du blanc.

Ce livre, loin de tout ésotérisme auquel le titre pour­rait faire penser, met en miroir deux poèmes par page, le tout en sept vers (5+2 puis 4+3). Tout le charme de cet ouvrage est de plac­er, dans le blanc qui sépare ces deux textes, le halo qui les joint dans l’in­ter­ro­ga­tion du lecteur. Béa­trice Lib­ert cherche plutôt à offrir un halo aux mots. Exem­ple de ce genre de poème-halo :

 

Les mots où je dormais
Se sont éveil­lés à ma place
Et la nuit a rangé
Mes songes dans sa poche

Il suf­fi­rait de quelques branches
En fleurs et nous accomplirions
Le plus pur des voyages

 

Dans ce rêve aus­si, peut être une clé pour les encres de Motoko Tachikawa qui Illus­trent superbe­ment ce beau livre. On ne sait qui influ­ence l’autre entre l’il­lus­tra­tion japon­isante et écri­t­ure haïkisante.

Hom­mage donc au blanc, à la poésie blanche : “Tout l’art du poème / Con­siste à bien laiss­er / Mon­ter les blancs en neige”. “Les mots / Ont le ver­tige / Pour amant”.

 

Écrire
Dépli­er un paysage mental
Cal­ligraphié d’absence
Où chaque mot m’enracine
Un peu plus dans l’humain

 

On passe sa vie à remuer des clefs
Qui n’ou­vrent aucune porte”

 

 

La couleur blanche et son aura. L’aura du blanc qui ouvre le livre “Ouvrir un livre comme on se regarde / Dans le miroir mati­nal / Non pour se con­tem­pler / Mais pour se recon­naître inquiète à l’idée / De s’être trompée d’é­corce ou de coeur”.

Aura de l’aube “L’aube se déplisse / L’om­bre boit son ombre / Et l’odeur des muguets / Donne un corps à la paix”. Grand blanc des “linges de l’aube”. Evidem­ment, la lumière est tou­jours présente dans les mots de Béa­trice Lib­ert : “Au seuil de quel hori­zon / Pos­er sa lampe”.

 

“La lumière a pris corps
Mailles du désir
Éveil d’oiseaux vifs
Et de lunes nacrées

 

Ne rien faire
Tout recevoir du vide
Et marcher l’au­ra du blanc”

 

 

Béa­trice Lib­ert évoque aus­si son pays de neige par­fois, le “Pays blanc replié sur lui-même”

 

Mais s’il ne faut chercher dans cet ouvrage aucun ésotérisme, l’au­teure cherche cepen­dant du côté du mys­ti­cisme “Le Dieu que tu cherch­es / Marche dans la rosée”, “L’oiseau son chant d’où le tient-il / Quand l’ange tire de la nuit / Le pas et la lumière des hommes ?”, mais aus­si du côté de la magie de la couleur blanche, syn­thèse de toutes les couleurs. “La couleur est la clef / De l’ombre”

Et ain­si, d’haikus en apho­rismes, Béa­trice Lib­ert nous offre plus que l’au­ra du blanc, mais aus­si l’é­cho du silence, à écouter en soi “La source du monde”.

 

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