Il n’y a personne dans le grenier
je le sais
car un toit en fer brûlant est au-dessus de nous,
le porteur argenté du ciel,
et nous n’avons point de grenier.
il y a tant d’objets
qui définissent d’une façon pratique l’absence.
du grenier
de la maison.
du monde.
un son plat somnolent se répand dans la chambre
comme si des loirs s’étaient faufilés dans le grenier, mais
je l’ai déjà dit,
il n’y a pas de grenier.
il ne nous reste plus de rivage. les points forts ont
rendu leurs murs.
demain, je passerai trois cents
coups de téléphone différés,
depuis longtemps je ne peux
supporter la familiarité verbale.
je me suis mis à regarder Fitzcarraldo
pour la quatrième fois. là j’ai appris comment
on pouvait transporter des bateaux sur une colline
et qu’il n’était pas nécessaire d’être vaincu
pour se sentir mal,
d’autant plus que
les journées pluvieuses disent
l’inverse.
Kinski est, paraît-il, le meilleur.
des bobines parlent une langue brisée avec Jagger.
il n’y a pas de raison pour le silence
et personne ne doit être accusé :
je ne reçois pas de courrier, la pub ne me contourne pas,
(le capital est un bonnet
de nuit pour les cheveux
parfumés du monde)
le café n’est jamais assez chaud,
de même que les informations, jamais assez de nouveaux disques
et jamais assez de classiques bruissants
tout est une gigantesque
flaque tiède d’angoisse.
en général des objets définis par l’absence me font peur.
par exemple la solitude (d’une façon conditionnelle),
la religion (et son affreuse absence de l’autre)
la mort (d’une façon inconditionnelle) et tout
ce que je pourrais en tirer est de l’amour momentané,
la signification enfilée sur la pluie,
goutte
qui fait déborder physiquement le verre.
il n’y a personne dans le grenier.
il n’y a jamais eu
personne dans le grenier.
le grenier n’existe pas et tout ce qui est suspendu
au-dessus de nos têtes est une immense balançoire étoilée,
un berceau de musique, un drap obscur
de ciel dont je me
couvre toutes les nuits pour dormir.
traduit du croate par Vanda Mikšić, Brankica Radić