J’étais venu de si loin
A l’annonce de la chute du mur
J’avais le chemin bosselé de montagnes
De tra­jets déchirés et de pistes oubliées
J’avais sur le cœur le ser­pent de la peur
J’étais venu plus ruis­se­lant que le fleuve
Sur la route de la mer 
Plus sec que le sable sur les sentes su Sahel
Mais le jour par grappes mûres
Tapis­sait mon désir et me prêchait la marche 
Et moi sans savoir com­ment chez toi 
On don­nait nom à la vie et à la mort
Com­ment les arbres naissaient
Com­ment chez toi on dormait
Com­ment les routes bifurquaient à la lisière des eaux
Et com­ment les vagues léchaient les rives
J’étais venu sans savoir
Qui je lais­sais der­rière qui je ver­rais devant
La tête pleine de mor­sures et de musiques 
Poussé par les vents et par les monts
En quête d’aurores et d’asile 

A l’annonce de la chute du mur
J’étais venu ameuté par la liberté 
Alléché par les par­fums  de la paix
Chercher la terre promise au partage 
Et sans savoir qui j’étais
Sans deman­der mes haines et mes peines
Sans savoir quels rires je pleurais
Quelle peau avait ma couleur
Si j’étais de l’est ou de l’ouest
Si je par­lais la langue d’ici ou d’ailleurs
Si j’étais grand ou si j’étais petit
Sans rien savoir du tout 
Ni de la pous­sière de mes pieds
Ou de la sueur et du sang de mes sentes
Tu m’avais ouvert ton pays
Et me voici ici en cette terre meuble
Engrais­sée par les ruines du mur
Où chanter reprend vigueur à l’horizon des cœurs
Et rire redonne sens aux ver­sants du soir

à la gouache des larmes à l’orgie du sang aux flam­beaux des blues à la flam­bée des trônes au geyser des orages à la marée du sang à la liturgie des mas­sacres au déluge du chaos et au chaos du déluge…
le poème fait procès tout feu tout flamme
et c’est à vous sang de mon sang du mon­go ma loba
vous que je ne nomme pas  à moitié
vous poème con­tre la ton­sure du crime
vous défer­re­ment des coupables à la refondation
vous  clavier de l’histoire vous crash de la tornade
vous  gènes en tohubo­hu du sang de la tribu 
c’est à vous orage et potence et lib­erté et dire 
vous bande bour­rée de feu lange et langue de la fureur
vous qui êtes moi et vous vous qui êtes vous et moi 
c’est à vous que je porte ces mots lardés de poignards largués de fer­railles écrasés de gour­dins de haches de mass­es de pinces mon­seigneur de braque­urs et de voleurs
c’est à vous qui êtes aus­si les autres – le nnangaboko ma grand-mère affamée du vil­lage les errants de la nation les braque­urs les nan­tis les beaux les coupeurs de routes les malades les saints les braves les invalides les tout-puis­sants les prési­dents les min­istres les gou­verneurs les gou­vernés les écrasés et les bienheureux –
 

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