Un an après,  le poète ren­nais Jacques Josse a tou­jours gros sur le coeur. Son ami Alain Jégou (poète et marin-pêcheur mor­bi­han­nais) s’en est allé le 6 mai 2013 « chercher des vents plus por­teurs, décou­vrir de nou­veaux ressacs et sil­lon­ner d’autres océans ». Alors, sur­mon­tant sa peine, il évoque dans un opus­cule son com­pagnon­nage avec celui dont il décou­vrit les poèmes, au cours des années soix­ante-dix, d’abord dans des revues con­fi­den­tielles puis dans un recueil inti­t­ulé La suie-robe des sen­tiers sui­cidaires. « Poèmes rageurs, déca­pants, ten­dus », note Jacques Josse.

Un cor­re­spon­dance s’établit entre les deux hommes : l’un, à l’époque, à Lis­corno en Lan­nebert, l’autre à Ploe­meur face à la mer. Ils se décou­vrent très vite des affinités autour de Ker­ouac, Gins­berg, Cor­bière, Elléou­et… Pre­mière ren­con­tre « en ter­rain neu­tre », à Saint-Brieuc. Puis Josse se rend à Ploe­meur. « Deux jours d’écume, de vent soutenu, de mou­ettes hurleuses, de dunes fis­surées, d’oyats ondoy­ants, de mer baratée ». De son côté, dans un de ses recueils de poésie (Comme du vivant d’écume, La Dig­i­tale, 1995), Jégou évo­quera ses virées du côté de Lis­corno, dans la pays de Josse : « j’avais lu dans un ancien numéro/de l’almanach du marin breton/que sur sa lande à lui/certains soirs de haute lune/twistaient les âmes des terre-neuvas ».

Une ami­tié se forge « sur les ter­ri­toires poé­tiques que nous avions l’habitude d’arpenter », écrit Jacques Josse. Un ouvrage com­mun voit même le jour, autour de la fig­ure de Kerouac.

Et aujourd’hui encore Josse frémit au sou­venir de l’accident de mer qui fail­lit coûter la vie à Jégou quand son cha­lu­ti­er Ikaria se fit éper­on­ner en 2003.

Que reste-t-il aujourd’hui de ce com­pagnon­nage ? Tout. Ce que Josse appelle « un sil­lon lumineux », rêvant pour son ami d’un com­pagnon­nage d’outre-tombe auprès de Claude Pélieu, de Tony Hiller­man et de tous ceux qui ont « lâché prise avant l’heure ». Dans l’attente de se revoir, quand le jour vien­dra de pass­er de l’autre bord avec nos « mémoires rafis­tolées avec de la petite ficelle récupérée dans des tas de filets de pêche aban­don­nés le long des quais et recou­verts d’une pel­licule de sel et de poussière ».

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