Anne Rachel Aboyoyo Aboyoyo, Face à face

2017-12-30T12:06:16+01:00

 

Je mar­chais sur la route de mon âme
Je mar­chais vers le flot de mes peines
Je mar­chais sur le chemin de ma douleur,
A la ren­con­tre de mon être.
Dans la brume du matin
Lorsque s’ouvrait la gerbe de maïs
Et que tombait la rosée
A l’aube de la pleine matinée
Lorsque se for­mait la boule rose
A l’endroit où ciel et terre sem­blent se toucher
Au réveil des pies féeriques
Quand s’élevaient les voix des chré­tiens vers les cieux
Et que raison­nait l’angélus dans les chapelles
Lorsque s’ouvraient les pétales des fleurs
Et que les gerçait le vent
Lorsque mon corps sor­tait de l’engourdissement nocturne
Et que ma mar­mite bouil­lante s’accouplait avec mon esprit moribond
Le pas léger et les gestes fébriles
Je mar­chais vers le flot de mes peines
A la ren­con­tre de mon être.
A un détour du chemin je le croisai
Il me tint par la main et me conta :
Je suis la coque roulante l’épais brouillard
Qui voile l’entrée de ton être
Je suis la folle avoine du champ qu’a cul­tivée ta mère
Je suis la joie furtive
Le sourire amère
Les som­bres mat­inées de pleurs
De terreur
D’erreur
De malheur
Les pâles couch­ers de soleil de soupirs
De durs souvenirs
De brumeux avenirs
De vains repentirs
Les douloureux levers de soleil d’inquiétude
De lassitude
De qué­mande de mansuétude
A Celui qui promet les béatitudes…
Je suis le mort qui fait sa pro­pre veillée.
Je suis le gris-gris à la force anéantie
Je suis la rame à la puis­sance affaiblie
Je suis la mine boudeuse
Les envies dédaigneuses
La mor­sure venimeuse
Je suis la nuit houleuse de baisers
La femme que nul homme ne peut caser.
Je suis le roc séculaire
Je suis sans force musculaire
Je suis les mânes des ancêtres réincarnés
Je suis les yeux de l’au-delà et même leur nez
Je suis une hors-la loi
Je suis une sans foi
Un séide de l’absolu
J’ai grossi les coups de bâton.
Je suis par­fois aus­si vul­gaire qu’une putain
Mais servi­able comme un bon samaritain…

Et main­tenant,
Je ronge de songe ma vie d’éponge
Je danse la danse des sens en transe
Je marche sur les march­es de l’arche des patriarches
Je mange les anges des âges sages
Et je danse la danse des sens en transe.
Et mon être me disait :
J’aligne les roulis de mes lits avant le midi de ma vie
J’anime mes nuits des cris venant des nids de hiboux
Je décime les cimes de la gloire de cygnes sans soucis
Et j’aligne les roulis de mes lits avant le midi de ma vie
J’assiste à la mai­son des gazons
Je dors sur la toi­son des boissons
J’ovationne les matrones qui désillusionnent
Et j’assiste à la mois­son des gazons
Et j’attends patiem­ment le jour de mon déferrement.

Présentation de l’auteur

Anne Rachel Aboyoyo Aboyoyo

Anne  Rachel ABOYOYO ABOYOYO est Camer­ounaise. Licen­ciée ès let­tres mod­ernes français­es, étu­di­ante à l’Ecole Nor­male Supérieure de Maroua, elle est mem­bre de la Ronde des poètes du Camer­oun et a pub­lié ses pre­miers poèmes dans Bou­quet de cen­dre, antholo­gie de la poésie fémi­nine Camer­ounaise d’expression française (2007). Elle est l’auteure du recueil de poèmes inti­t­ulé Sen­teurs du cré­pus­cule (2011). Ses poèmes qui pren­nent racine dans la pro­fondeur sat­urni­enne de la déca­dence sont de longs thèmes élé­giaques qui baig­nent dans un lyrisme roman­tique dont le but majeur est la sug­ges­tion d’émotion.

 

Anne Rachel Aboyoyo Aboyoyo
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