L’amour de la poésie se partage. Olivi­er Hou­bert (46 ans) nous livre le fruit de ses rap­ines. Né à Lon­dres – mais il vit actuelle­ment à Rennes – il a notam­ment col­laboré à la Nou­velle Revue Française où il a dressé le por­trait intime de ses auteurs de chevet. On en trou­ve aujourd’hui la trace dans le livre qu’il pub­lie sous le titre de Butins.

     Voici donc, sous son scalpel, qua­torze auteurs (la plu­part poètes) aux­quels il voue une forme d’allégeance. Car il s’agit d’auteurs « en marge » — ce qui les empêche pas d’avoir eu, pour cer­tains d’entre eux, une belle postérité – chez qui Olivi­er Hou­bert retrou­ve sa pro­pre cri­tique rad­i­cale d’une société « qui pros­titue ses enfants et n’offre aucune espoir », d’une société où, dit-il, « l’opacité men­ace ». Au fond, des auteurs de livres « de survie » dans un monde où, écrit encore l’auteur de Butins, « la pol­lu­tion men­tale » est à l’œuvre.

     Dans son pan­théon, il ne faut donc pas s’étonner de trou­ver des écrivains comme Antonin Artaud, Louis-René des Forêts, Joë Bous­quet, André Hard­el­let, mais aus­si Edmond Jabès, Bernard Noël, François Augiéras, Joseph Joubert…

    

     On com­prend que l’éditeur Yves Lan­drein ait, peu de temps avant sa mort, accueil­li avec bien­veil­lance le man­u­scrit d’Olivier Hou­bert. Il y a trou­vé des auteurs qu’il appré­ci­ait lui-même – à la fron­tière de la poésie et de la prose – et le plus sou­vent adeptes d’une écri­t­ure fragmentaire.

     C’est le cas, notam­ment, de Roger Munier à qui Olivi­er Hou­bert con­sacre un très beau chapitre. Il dit avoir été sen­si­ble à son appel à écouter « ces autres voix venues d’ailleurs qui peu­vent nous aider à retrou­ver un chemin per­du de l’âme, dans l’inconnu où nous entrons ». Olivi­er Hou­bert racon­te donc être allé chercher du côté de Sile­sius (« l’errant cheru­binique ») de Juaroz et de sa « poésie ver­ti­cale », d’Octavio Paz ou de Pierre-Albert Jour­dan. « L’homme actuel s’est troué, peut écrire, à leur suite, Oliv­er Hou­bert, et le poète ne peut que laiss­er voir la lumi­nosité, trag­ique en un sens, qui con­fère à toute chose sa beauté éphémère ».

     Ce qui entraîne l’auteur, par bonds suc­ces­sifs, du côté de la « parole mys­tique » qui, comme la poésie, « nous con­vie à une quête de la vérité intérieure ». Ain­si, lisant Ado­nis, Olivi­er Hou­bert voit la poésie comme « une quête de l’ailleurs en soi-même et en l’autre ». Ségalen, non plus, n’est pas loin, à qui le pre­mier chapitre de Butins est consacré.

         Loin d’une poésie éthérée – ou d’ornement – (ce que ne peut être la vraie poésie), nous sommes, avec ce livre, dans un plaidoy­er  pour une poésie d’exigence et d’engagement, mais d’un engage­ment rad­i­cal qui met en bran­le toute la per­son­ne. « Le men­songe social est l’hydre que com­bat la poésie », écrit Olivi­er Hou­bert. « Percer la matrice des choses, voilà la tâche du poète ». La charge de l’auteur est par­ti­c­ulière­ment appuyée con­tre les turpi­tudes d’un monde qui, selon lui, court au naufrage. Aux poètes de « lancer la bouée » et de « détru­ire les sac­rilèges à leurs racines ». Artaud, reviens !

image_pdfimage_print