à Sylvie Besson

 

1 -

 

ça – plusieurs vies plusieurs temps
libres, océaniques
l’expérience du mou­ve­ment l’expérience de l’usure
le spec­ta­cle de la mort la mort en spectacle
les his­toires fauss­es pris­es pour des his­toires vraies
la lim­ité des deux mondes
le soleil quand il amorce son déclin
les bruits les fleurs
les fleurs choses éclatantes
les cail­loux dans le mas­sif de la prose
le déplace­ment les détails
le naufrage du temps sur les toits
l’oreiller du temps –
dans l’écart, le faire part
l’écriture des rêves
les faux tré­sors d’images
les images vides
le som­meil de la raison
le présent le con­cret l’envolée de moineaux
le vol des papil­lons près du point d’eau
l’enchevêtrement d’empreintes autour des poignées
les façades arrondies par le vent
les forêts les chemins sans chemin
l’existence libre sur les chemins
les feux qu’on voit sur la mer
les mers tourmentées
l’enchaînement l’écroulement sur soi
le hasard pour guide le lieu aveugle
Dieu qui crée un vide
le poème qui crée un vide –
L’ordre du monde si beau comme
Un tas d’ordures répan­dues sur le sol

 

2 –

Ça – un vide immense
la pen­sée qui flotte
l’oubli l’être qui se dérobe
les effluves l’instant du monde
l’instant du monde vu de l’espace
les voûtes les cor­ri­dors les arcades
la pos­si­bil­ité du pire le mutisme
les formes de répres­sion le tor­rent des sensations
la rose qui vaut de l’or
toutes les ros­es tout l’or
le bord du monde où je suis où je ne suis pas
l’effacement des gestes dans la fenêtre
l’affolement mon départ ma détresse
ce que j’oublie ce que j’aime ce que j’oublie d’aimer
ce que j’aime oublier
l’oubli de l’être
ce qui s’écoute ce qui se projette
la scène qui s’ouvre ou se ferme
l’éveil le rêve l’écriture
la parole qui bégaie
la date le nom
l’importance des dates la tra­ver­sée des noms
la pen­sée du feu –
jusqu’au blanc des cen­dres

 

3 –

Ça – les lim­ites de la pensée
l’ordre établi
les draps l’excès
la bouche ce royaume
le for­mi­da­ble désor­dre l’inextricable con­fu­sion des vagues
les vagues qui haussent le col dressent la crête
mon­tent & tombent
qui s’étirent en aveu­gle jusqu’à l’approche des côtes
qui s’effondrent
l’écume qui vient mourir sur le sable
quelque chose de soyeux
quelque chose des détails de l’amour
les longs ric­o­chets l’imprévisible
le cœur frap­pé d’épouvante
les coups de roulis
les ter­res rav­agées les mers fouil­lées par le vent
le vent qui frappe les lits de pierres
la ruine des navires
les navires qui revi­en­nent au port
la chant la peste d’Athènes
la clô­ture du poème de Lucrèce
la pen­sée matéri­al­iste le jeu la joie
l’instant qui s’étend aux bor­ds des pages
les phras­es dont on se débar­rasse l’effectif
l’illisible de la tempête
le typhon de Con­rad l’ellipse
la vérité pos­sédée dans une âme et un corps
le corps l’ouverture de l’âme au monde
les siè­cle d’excitation les siè­cles sans passion –
tout un ver­sant du ciel qui ne veut pas mourir

 

 

 

Ces trois poèmes ont été pub­liés, dans une ver­sion dif­férente, dans le recueil : Le Bel aujourd’hui (Tara­buste) en juin 1999.
 

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