I

Heurts blancs d’ivoire, cli­quetis bref des boules,
corps allongé sur l’herbe de feu­trine, lance de bois fragile
pour se pré­mu­nir du secret. Le sens de cette vie ?
petit matin, voici la nuit, le patron lave
d’un geste bref essuie les ver­res. Forêt de pluie, l’odeur
de bière ourlée d’écume, un quin­tette de lampes,
âcres min­utes d’une vie d’homme, navire
couron­né blanc de mou­ettes trop vivantes

pous­sant devant ce glac­i­er noir, sirène sourde, alors
après avoir frap­pé la boule on va jusqu’à la porte,
un froid mal­odor­ant d’automne aux quais déserts
pénètre dans la salle, si la mort nous visite
est-elle ce car­go lourd de caiss­es, de sacs, par­cou­ru de rats gris,
avec feux de tri­bord, gira­tion du radar ?
Où sommes-nous, dans quel endroit du monde,
quel est ce temps ? la vie est-elle ouverte aussi
comme une porte sur le froid, est-elle
ce bâti­ment qui s’éloigne ? L’orchestre du moteur

racle les murs et la gue­nille du drapeau
plaqué sur le bras de la hampe se désagrège,
puan­teur de mazout, blanche eau d’écume, lampes
de passerelle illu­mi­nant les objets du rivage,
là-bas les grues lèvent leurs bras de ciel, sil­hou­ettes d’hommes
sup­pli­ant comme nous, arbres et grues debout,
aimant lumière et joie, espérant même sans espoir,
comme depuis tou­jours, autour de nous,
bruyants, silen­cieux, jouant, se rel­e­vant – les hommes.

II

Et un petit bateau bête­ment danse
sur la mer som­bre, imprévis­i­ble, d’un seul courage d’homme
vers l’ombre au loin trouée de phares, sans lune
adoucie de clarté, han­tée de vagues hautes,
plongeant, se redres­sant, gag­nant le large.

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