Le titre l’annonce : dans l’univers poé­tique de Jean-François Mathé, ce qui est d’ordinaire con­sid­éré comme inerte – le chemin, la neige sur lesquels nous mar­chons – peut agir  (un chemin suiv­re un marcheur, la neige pos­er des ques­tions). Et s’il n’y a ni mou­ve­ment ni bruit, cela ne sig­ni­fie aucune­ment que rien ne se passe.

la mai­son attend que le coteau 
la prenne dans son aile d’ombre

Ce n’est pas rien, l’attente.

Le plus sou­vent, les hommes présents for­ment avec le chemin, la neige, la mai­son, le coteau, le chat, les chevaux… un tout. Mais il arrive que les choses ail­lent de travers.

en l’absence de toute saveur 
faut-il porter aux lèvres
le couteau plutôt que le fruit

faut-il tra­vers­er ce jour
sans le vivre

dehors tout est ciment
de la ter­rasse à l’horizon

On devine qu’il y a eu quelques tra­ver­sées du désert, une bonne dose de mélan­col­ie (dans les poèmes écrits en 2002 notam­ment). Dans les textes récents, la mort de proches, l’éloignement des jeunes années font mon­ter aus­si tristesse et amertume.

À quoi bon aller de l’avant
si l’on est de ceux pour qui vivre
ne passe plus par le printemps ?

Le poète arrive encore à se tourn­er vers ce qui vient pour­tant. Il se redresse alors. Son regard se pose sur un vieux chêne, son oreille perçoit le chant d’un oiseau et ses tra­cas s’effacent – ou presque.

Si les deux pôles sont présents, il y a au fond, dans les recueils de Jean-François Mathé, plus de lumière que de zones d’ombre.

Aux idées noires, l’on s’y fait,
comme aux cor­beaux les peupliers
dont la chan­son de chaque feuille,
mal­gré les cris se mêle aux autres.

Moi, ma chan­son veut fine oreille
pour qu’on l’entende encore avant
que ne se ferme dans ma voix
la porte ouverte aux notes claires.

 Jean-François Mathé est né en 1950. Pro­fesseur de let­tres (à la retraite aujourd’hui), Jean-François Mathé pub­lie de la poésie depuis les années 70, en par­ti­c­uli­er chez Rougerie. Il a con­tribué à de nom­breuses revues.

image_pdfimage_print