En lisant ces poèmes en prose, nous sommes placés devant notre pro­pre actu­al­ité, nous sommes sai­sis et des­sai­sis, dévoilés dans nos enfer­me­ments et pour­tant prêts à bondir dans les cav­ales du désir, dans le divin, armés de la pierre d’aimant qui fait tourn­er le monde. Que celui-ci tourne mal, en toupie folle, dans le labyrinthe glob­al­isé par la dérai­son tech­ni­ci­enne, ne change rien. Ces cour­tes pros­es nav­iguent en san­dales ailées. L’écriture de Claude Minière a tou­jours été flu­ide, déliée. Peu recom­mandée (par le clergé poé­tique) elle fait excep­tion. Elle n’efface pas le silence, elle coule de source et déjoue la rou­tine bornée de la mort. On a beau jouer la tunique aux dés, épargn­er, stock­er, bavarder inutile­ment, la beauté lumineuse fait de nous des vivants. Le bruisse­ment de la parole con­tred­it l’inertie, le départ dans l’étendue des pos­si­bles affronte un risque. Ils sont rares et donc pré­cieux les poètes qui osent le tran­chant, qui met­tent en scène une méta­physique de la sen­sa­tion, qui tra­cent l’ouverture de la pro­fondeur spa­tiale et tem­porelle. Le savoir poé­tique est une fouille, son souf­fle est porté par celui des dieux et son chemin ne trace pas une ligne droite : mon par­cours décrit un arc pré­cise Minière. Voilà pour la méth­ode, ce sont les sen­sa­tions (et le sens à don­ner à des prob­lé­ma­tiques qui intè­grent l’histoire des hommes) qui per­me­t­tent une visée. La décoche est pos­si­ble quand les yeux, les oreilles sur­plombent légère­ment la flèche (l’écriture) et se focalisent sur la cible (le réel). Le tra­jet entrelace ombre et lumière, puis­sance et fragilité, et pour attein­dre la per­fec­tion de la for­mu­la­tion, c’est l’enfance retrou­vée à volon­té qu’il convoque.

Je par­le d’un tra­jet, non d’une tragédie. Quelque chose d’ignoré dans les fleurs ignées. Je ne lais­serai pas aller la dernière phrase qu’elle ne m’ait béni.

Notre ami et col­lab­o­ra­teur Pas­cal Boulanger vient de rééditer son pre­mier recueil  Sep­tem­bre déjà

 

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