Ce sont dix-sept voix féminines litu­ani­ennes que Diana Sakalauskaitė et Nicole Bar­rière nous invi­tent à décou­vrir. Cer­taines sont des poètes con­nues dans leur pays – elles ont édité un grand nom­bre de recueils, ont gag­né plusieurs prix : c’est le cas d’Aldona Ele­na Puišytė, Ramutė Skučaitė sur lesquelles s’ouvre l’ouvrage. (Notons que les recueils de l’une ou de l’autre sont traduits dans plusieurs langues : anglais, alle­mand, sué­dois, russe, ital­ien, por­tu­gais et même japon­ais, mais rarement en français). D’autres poètes, certes beau­coup plus jeunes, n’ont pas la même notoriété. Ilzė Butkutė, par exem­ple, qui a vingt-huit ans, a pub­lié son pre­mier recueil l’an dernier.

En lisant ces textes, nous pénétrons dans un univers sou­vent mélan­col­ique : la mer mur­mure, la nature sent le chèvrefeuille ou le sapin, on y célèbre la lune…

Ici et là, il est ques­tion d’un ailleurs. Quand la vie se mon­tre trop rude. Quel est le sens d’une exis­tence dans laque­lle on vieil­lit seul, on boit trop d’alcool ? Il arrive que l’idée de déguer­pir prenne le dessus.

Chez Dovilė Zelčiũtė, par exemple :

Les églantiers fleurissent
ma fille au balcon
les yeux plissés
se lan­guit du brouil­lard de Londres

Le prin­ci­pal reproche que l’on pour­rait faire à ce livre est qu’il pro­pose des présen­ta­tions trop bavardes des auteures. Que nous importe de savoir que l’une écrit depuis la six­ième et que l’autre a eu tel sujet en his­toire, quand elle a passé son bac­calau­réat ? Certes, on peut tou­jours lire en diag­o­nale ces biogra­phies. Si les plumes choisies sont de qual­ités iné­gales, le recueil est, aujourd’hui, l’un des rares moyens en France de décou­vrir cette poésie.

Notons que la revue Cahiers litu­aniens, pro­pose un index bib­li­ographique (réal­isé et mis à jour par Philippe Edel) des poètes et écrivains litu­aniens pub­liés en français :

http://www.cahiers-lituaniens.org/ecrivains.pdf

 

Trois extraits

 

SOIRÉE

[…]

tu voudrais plonger dans l’eau salée de la mer,
ne te mens pas, tu sais par­faite­ment que tu ne veux rien,
que tout ce que tu veux c’est mourir ;
tu pos­es le livre de côté, avec tant de solennité
on dirait que tu pos­es une lyre ; tu enfiles tes chaussures,
mets ton man­teau usé, tu ne le bou­tonnes pas :
la phar­ma­cie de garde n’est pas loin, tu y vas,
tu vas deman­der au pharmacien
un peu de poudre pour la migraine,
au retour tu retrou­veras l’homme de pas­sage sur le sofa ;
il daign­era se retourn­er : est-ce que par hasard
tu m’as acheté de la bière ?

n’accuse per­son­ne pour cette chi­enne de vie
on est tous de passage
tous cœurs ébouillantés

 

Vio­le­ta Šoblin­skaitė Aleksa
Vio­le­ta Šoblin­skaitė Alek­sa st née en 1954. Elle a pub­lié cinq recueils de poésie, deux romans, des essais.

 

Tan­dis que je songeais,
Qu’approchait le temps
De la mort,
Cette affreuse injustice,
Tout près de là
Sur la branche d’un saule
Un mer­le perché
De sa voix la plus claire
Com­mença à chanter
La jus­tice et la beauté
Du monde.

Stasė Lygutaitė – Bucevičienė
Stasė Lygutaitė – Buce­vičienė est née en 1936. Elle a pub­lié douze recueils de poésie dont La rose dans la nuit au cœur de l’hiver.

 

[…]
Je me suis sen­tie heureuse une fois.
Pas heureuse deux fois.
Trois fois n’ai rien sen­ti du tout.
Une fois j’ai pen­sé au sens de la vie.
Deux fois au non-sens.
Trois fois à rien.

Dai­va Čepauskaitė 
Dai­va Čepauskaitė est poète et dra­maturge. Elle est née en 1967.

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