[poème-rituel pour voix diverses et interventions tambourinées]
exergue
Je n’arrive pas à trouver ce que je cherche ; ce que je voudrais apprendre, je ne le comprends point ; mais ce message que je n’ai pas su déchiffrer a soulevé mon fardeau, et mes pensées en ont été changées en mélodies.
Rabindranath Tagore
rites d’entrée
chœur battant
de bouche
à oreille
de bouche
à oreille
de bouche
à oreille
mais
de bouches à bouches
et
le rythme parlé
et
l’image rythmée
et
le souffle chiffré
du poème
parole mère
entre le doute
et la lumière
tout notre univers
est conjointement animé
de ceux qui ne sont nés
de ceux qui sont vivants
de ceux qui ont vécu
et la justesse de la quête
nous sera d’aller conciliant
tous ceux qui ne sont nés
tous ceux qui sont vivants
tous ceux qui ont vécu
ceux qui ne sont nés
ils esquissent leur histoire
ils fomentent leur action
à la table du silence
leurs songes réprimés
fermentent l’avenir
dans les limbes opaques
du ventre des destins
ceux qui sont vivants
ils s’éprouvent dans l’action
ils bâtissent leur époque
ils pâtissent de l’histoire
ils produisent toute la science
ils produisent la conscience
émoulus criant des gangues du silence
ils s’échauffent d’advenir
dans le lyrisme lucide
des travaux et des jours
des combats du moment
ceux qui ont vécu
et dans la quête du juste
et la conquête du vrai
les balafrent les épreuves qualifiantes
des chemins de la connaissance
les élèvent les patiences éprouvantes
de l’éducation permanente
alors
ils recueillent l’expérience
et font bien
alors
ils formulent la mémoire
et font bien
alors
ils exaltent la démarche
et font bien
alors
ils récitent l’horizon
à l’endroit couvert et éclairé
où le cherchant probe et libre
venu reprendre souffle
venu reprendre voix
venu reprendre vie
va mourir et renaître pour devenir
assimiler la lumière
mais intégrer le silence
restaurer les voies matricielles
de l’imaginaire questionnant
traversée
rythme
entre le doute
et la lumière
toutes les épreuves de la traversée
entre la terre
et l’autre terre
toutes les figures de l’étranger voyageur
mais la toute première figure
de toutes les figures
de l’étranger voyageur
c’est le silence
mais le rythme
mais le rythme
mais le rythme
la scansion d’un sursaut de survie
et la sublimation du réflexe
dans la reproduction du geste
et le prolongement du geste
dans le rayonnement du corps
c’est ce rythme qui anime son silence
c’est ce rythme qui assume son mouvant
et le rythme qui le fixe dans l’espace
et le rythme qui le fixe dans le temps
et le rythme qui le fixe dans l’action
et le rythme qui le fixe dans l’histoire
c’est ce rythme qui structure son vivant
c’est ce rythme qui lui fixe les idées
mais le rythme ne lui fige
la conscience
alors
il vibre
donc
il vibre donc
il vibre
donc il pose sa conscience
dans la forme transhumante du danseur
en paria dérivant des plates servitudes
et écume les histoires populaires
et traverse les arènes de l’histoire
vers les pays de poème
où le rythme nargue les essentialismes
où le rythme nargue les déterminismes
où le rythme brutalise les affinités héréditaires
où le rythme dramatise l’avenir ouverture
où le rythme réalise le rêve interculturel
alors
il vibre
donc
il vibre donc
il vibre
donc il conte dans le geste
toute la tradition cachée
toute la part maudite
que colporte le nomade
que répriment le récit
et l’histoire inéquitables
des ineptes sédentaires
on les dit maîtres aliénés de tant de paradis ratés
alors
il vibre
donc
il vibre donc
il vibre
donc
son conte nous raconte
donc
son conte nous fédère
donc
son conte nous motive
donc
son conte mobilise
donc
et sa mouvance entêtée
et son rituel éperdu
danse du milieu
entre la terre
et l’autre terre
c’est l’homme qui cherche
qui fait le milieu
entre la terre
et l’autre terre
c’est l’homme qui cherche
qui sait le milieu
entre la terre
et l’autre terre
c’est l’homme qui cherche
qui dit le milieu
entre la terre
et l’autre terre
c’est l’homme qui cherche
qui dicte le milieu
parler
parler
qu’il dit
chanter
chanter
qu’il dit
danser
danser
qu’il dit
il dit que danser
c’est le milieu
c’est le voyage
c’est le milieu
c’est la parade
c’est le milieu
où se confrontent
les trajectoires
de la dérive
parler
parler
chanter
chanter
danser
danser
qu’il dit
il dit que danser
c’est le milieu
c’est le voyage
c’est le milieu
c’est la parade
c’est le milieu
où se confondent
les trajectoires
de la dérive
et le nomade s’éveille
et le nomade s’anime
et le nomade s’engage
et le nomade s’érige
et le nomade s’élance
et le nomade s’éloigne
et le nomade s’élèèève
et le nomade s’ééélèèèveeee
et le nomade s’éélèèèèvee
rites de sortie
chant de la traversée
le chant
qu’il dit
mon chant
c’est l’extension de mon désir
dans l’étendue de la parole
il dit que paria conscient résolu
l’étranger voyageur
est un déviant assumé
il chemine
questionnant l’origine
dans la méditation des horizons
mais l’origine
qui n’en dit toute l’essence
palpite au cœur de toute la quête
il dit que traverser consiste non
à vouer aux égouts de l’histoire inéquitable
et des eugénismes
le poids péjoré de nos mémoires palpitantes
et de nos racines
pour nous exprimer videment
il dit que traverser consiste donc
à cultiver les ententes électives
sans se tromper d’orgueil
et colporter son destin non apprêté
sans se tromper de guerre
pour nous accomplir en ceux qui luttent
inspirés par la beauté
aiguillés par la sagesse
soutenus par toute la force
médiateurs de transcendance