Je suis en avion,
Les moteurs ont des ratés, sérieux, très sérieux.
Ma vie défile plus vite qu’une bonne bouteille avec mes copains de 20 ans.
Je crois bien qu’il n’en reste plus beaucoup.

La fin du voy­age arrive.
Les min­utes valent des joy­aux de Golconde
Com­bi­en d’or, de lin­gots pour pou­voir ralen­tir cette descente, mon roy­aume pour un planeur,

J’ai soudain soif, je pour­rai bien­tôt boire mon sang je le sais.

Alors com­ment occu­per ces derniers instants,
Pleur­er, crier,
Refuser, mourir de peur avant d’être pul­vérisé sen­tir ses tripes se dissoudre,
Ou par­tir loin de là ,
S’évader, se refugier,

Met­tre de la musique , celle des jours de création,
Les oreil­lettes visées, fer­mer les yeux
Et aller ouvrir son cof­fre fort,
Son tré­sor de souvenirs,
Ces moments de rien , de peu, de beau­coup —  d’exception,
et les revivre avec leurs sen­sa­tions, vite.
Lire son livre intérieur
Penser très fort pour les laiss­er vivre, ses souvenirs

Je n’ai pas con­stru­it de mau­solées, pas de bib­lio­thèques royales,
Pas de palais
Mais que d’envies, de rires, de caress­es, de câlins, de march­es heureuses, que de prox­im­ité, pourquoi cela lais­serait-il moins de traces,
Ridicule,

Alors avant que tout cela ne s’envole très loin, il vaut tout déverrouiller.
Donner
Au oiseaux, aux ondes, aux fleurs, aux métal à coté de moi.
Peut-être resur­giront-ils sous forme d’inspiration au cuisin­er qui tra­vaillera avec une casse­role dont sera faite dans le métal recy­clé de feu mon air­bus, peut-être la fleur cha­touil­lant la joue de l’amoureux vien­dra- t’elle lui com­mu­ni­quer mon envie de faire des enfants à sa belle sur la pelouse d’un début d’automne un peu doux.

Peut-être qu’une rime, une bouf­fée d’amour, après une rosée du matin ou la pluie dense du soir en Afrique de l’ouest, où une vague coquine de l’est du paci­fique issue de ma tra­jec­toire sur terre vien­dra réveiller un enfant rêveur et le pouss­er à se rap­procher de sa mère pour un con­tact dont il se sou­vien­dra toute sa vie.
Etre l’esprit des lieux, la détente du pétale touché par le ray­on doré de soleil.

Les espaces communiquent,
Je suis proche d’avoir délivré mon mes­sage à la vie,
Encore un instant madame la gravité,
Je suis telle­ment plein d’amour lais­sez moi ren­dre ce qui m’a été donné.

Curieuse­ment la descente est  gra­cieuse, de loin ;
Non sans panache.

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