Je lis Fla­mand depuis nom­bre d’années. Un poète que l’on ren­con­tre comme une évi­dence en dif­férents moments de son exis­tence. J’ai ren­con­tré son œuvre par l’entremise de l’écrivain et poète Marc Kober. Belle ren­con­tre. En plongeant dans l’œuvre poé­tique de Fla­mand, le lecteur s’engage dans plus de poésie comme l’on dis­ait autre­fois « plus de réel ». C’est une plongée dans l’œuvre au sens alchim­ique du terme que le poète édi­fie, une Œuvre donc, que les mots n’expliquent pas, n’exposent pas. Ils ne font que ren­dre compte – du chem­ine­ment. Et ce « que » est beau­coup. La poésie de Fla­mand est une marche d’alchimiste vers l’étoile. Un chem­ine­ment vers la lumière intérieure, la seule réal­ité qui soit réelle­ment – et aus­si la plus voilée. Le lisant, on entend la rumeur du pas d’André Bre­ton, se ren­dant chez René Alleau en com­pag­nie d’Eugène Canseli­et, et on aperçoit à l’horizon les pages des revues d’avant-garde de la sec­onde moitié du 20e siè­cle. On était peut-être là mais on l’a oublié. Pour nous, cette poésie est, à l’instar de celles de Marc Alyn, Gilles Baudry ou encore Jean-Pierre Lemaire, et bien d’autres, poésie en avance. Des poésies qui annon­cent le rôle de la poésie dans le monde de main­tenant, un rôle en train de se lever.

Élie-Charles Fla­mand vient de loin.

La part d’outre-dire com­mence ainsi :

 

« Puisque je dis­cerne que le précipice orig­inel n’est plus à sa place, je cours, réjoui, vers la demeure où pen­dent les têtes en béryl. Elles mâchon­nent la cire des vies les plus piquantes qui ont imprimé leur saveur à mes errances pour les sauver de l’étouffante sen­sa­tion engen­drée par le dépayse­ment. Je m’enfonce dans des couloirs enchevêtrés et passe devant la porte qu’il m’est inter­dit d’ouvrir car c’est celle d’une pièce ren­fer­mant quelques lumières d’inspirations aus­si bien que les lueurs ram­pantes du mal. »

 

La poésie peut s’élancer.

Une fois l’entrée franchie.

Ici, la poésie est un acte opératif, rien d’intellectuel ou de rationnel là-dedans, sinon un au-delà du rationnel et de l’intellectualisme. Ce qui n’entrave en rien l’intelligible, bien au con­traire. Cet au-delà est celui de qui s’est éveil­lé. De qui regarde. La chose la plus dif­fi­cile qui soit, mal­gré les apparences illu­soires du quo­ti­di­en, et les pré­ten­tions démesurées des egos devenus fous. Les poèmes de Fla­mand réu­nis ici sont poèmes d’un voy­age, d’une rive à l’autre, une façon de proces­sus poé­tique d’alchimie en actes. La matière des mots devenus verbe à son tour con­naît le mise à l’ordre de l’esprit. Il vient de loin, oui, Élie-Charles Fla­mand. Et mal­gré le chemin par­cou­ru, mal­gré l’âge, ou grâce à l’âge, mal­gré l’œuvre accom­plie, ou grâce à elle, le poète pour­suit l’acte qui ne s’arrête pas, sur la route de ce pays si réel qu’on n’y parvient jamais, « dans un œuf ouvert et lourd de sapi­ence ». On l’approche peut-être. Et ce livre de poèmes est un phare au creux de cette approche là. À l’instant exact où « la tyran­nie de la pen­sée se dis­sout ». La porte d’outre-dire ouvre sur le vécu de la vision. C’est une porte étroite et basse.

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