Au moineau du refus
au moineau étranglé
(des lacets à ses ailes d’enfant)
le poème con­sacre ses vers
bâton d’aveugle
pour silence sans borne
prière d’énigmatique souffle.

 

 

 

 

Ton corps buvait
néces­sité élémentaire
pour que se taise la peur
inno­cente nécessité
ton corps buvait à grandes gorgées
d’extravagante enfance
la mort lui était compagne
poème en acte
ton corps buvait
pour que vive ton rêve
nul des­tin, seule­ment des limites
frère humain
mort de mélancolie.
 

 

 

As-tu la force là où tu es
d’être toi-même
as-tu la force d’être
celui que tu aurais été
sans ton dieu, sans tes maux
sans cet atroce étouffement
as-tu la force aujourd’hui
par-dessus la baie d’absence
d’entamer l’autre dialogue
que de mots, que de pleurs ont fui
en cadence de douleurs
que d’amour
tant d’ombres ven­teuses en bas
dans l’écriture.

 

 

Quand pronon­ceras-tu
la parole de silence
toi qui n’es plus corps des corps du monde
ta voix trou­ve trace dans la mienne
(privée de bouche)
a peur de mourir de n’importe quelle mort
créa­ture de songe et de fumée
d’encre anci­enne, de lan­gage et de souvenirs
s’essaie à parler
les mots sont des prétextes
pas de déchiffre­ment mais une traînée de temps
peut-être as-tu vécu, frère humain
comme tous les tiens avant toi
sans jamais savoir
quelle est ta voix et où elle va
seule­ment l’ivresse
et l’extinction.

 

 

 

J’entends ta présence
autant de let­tres coutumières
pour écrire ton nom
mais d’une écri­t­ure défaite
un appel
que n’imprime pas la montagne
berceau et tombe
ni les murs effacés de ta chambre
ni la ter­rasse où tu ne respires plus
dans le ciel habité des oiseaux
l’avion con­tin­ue son vol
vers les espaces inexistants
le poème telle l’urne
s’ouvre et se ferme
n’attrape rien.

 

 

 

Tu as brûlé les prés du passage
les révéla­tions de l’enfance
(trop de charge)
les commencements
mémoire des soleils se sont éteints
l’un après l’autre
main­tenant restent les cendres
sur la bib­lio­thèque de nos vies
ton silence est sans répit poussière
ces vers, quelques braises
où le sens asphyx­ié s’émiette
quelle parole n’est pas voix d’extinction ?

 

 

 

La mort ouvre le monde à l’absolu réel
la destruction
en héritage dans nos corps et nos mots
sig­nale son visage
celui-là même que je t’ai vu mourant
vis­age perdu
qui va son chemin du dehors au dedans
insoucieux de tout ordre
per­du vis­age de vie coulé en vis­age de mort.

 

 

Tu n’as rien désiré d’autre
que le réel au-dedans de toi-même
le salut, tu n’y croy­ais pas
ton dieu était un dieu trop exigeant
bien plus exigeant que le Jésus de l’enfance
(tu avais été une nuit de Noël
son étrange incarnation)
la foi en toi n’était personne
et l’alcool n’était pas l’autre
(soli­tude de ta passion)
comme tombées d’amour
les femmes dans tes yeux, tes mains
trem­blantes bribes de vie
tous les jours que ton dieu ne fait pas.

 

 

 

Je cherche ton corps
(la cage s’est métamorphosée)
défini­tive­ment en allé
l’événement est arrivé sans crier gare
défunte, ton âme ?
la radieuse n’oubliait jamais de vivre
peut-on mourir de trop de vie ?

 

 

 

extrait de Frère humain, édi­tions L’Amouri­er, 2012

 

image_pdfimage_print