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Bahia. Bouche dorée attend à la fenêtre bleue.
Ce matin elle a allumé une bougie à l’abri du vent
Dans un trou du mur de sable parmi
Des arêtes affilées, des algues, des dépôts marins.
Elle a posé une gerbe de fleurs dans l’eau
(Une ruse de Salvador)
Pour voir si la mer la rendrait.
Mais non.

(Le hamac sur le véran­da est vide, c’est son hamac.)

A sa place, sur la crête de l’onde sont arrivés les enfants, cadeau de l’écume, de petits
Points noirs dans un long après-midi. Dans leurs yeux enfantins
Des côtes cassées des bar­ques de pêcheurs
Devi­en­nent des côtes des baleines échouées. L’Atlantique éclate

Dans les arbres d’eucalyptus.

            xx

Il pleut. Des nuages en tôle traî­nent sur la terre. L’herbe plonge dans l’océan.
L’eau monte au-dessus des roues d’automobiles. Je m’arrête à mi-chemin. Une file de huttes en torchis dans le fos­sé. Devant la can­tine une table de bil­lard avec une Chaise à la place d’un pied. Un âne attaché au poteau et oublié. SEVEN-UP. La Lumière se dépose sur les pointes des arbres. Je ferme les fenêtres. La vapeur sort de la machine. La pluie emporte des branch­es et des brous­sailles. L’eau bout. L’horizon dis­paraît. La lave remonte des puits cachés. La radio s’éteint. Le Brésil se tait.
Le Brésil est une fente jaune clair dans le ciel opaque,
un couloir pour les oiseaux.

Le Brésil est ses gens en encre noire.

Prochaine­ment, cette route devien­dra un fleuve qui se jet­tera dans la mer,
L’eau se déversera dans l’eau et la dif­férence se diluera.

 

            xxx

Ton marin est mort, Bouche dorée.
Je l’ai vu cette nuit à deux heures du matin. Il était seul
Sur le pont du bateau dirigé vers l’Argentine et vidait une bouteille.
Sur la pho­to en noir et blanc, ses yeux avaient l’air impénétrable,
L’obstination les a ren­dus fluorescents.
Il a levé le col de son man­teau, il voulait se don­ner un air dangereux
Mais on voy­ait qu’il était doux et généreux.

Dans sa main il tenait un petit car­ré rouge ourlé par un
point chaus­son. Dessus l’inscription XANGÔ ou quelque chose comme ça.
« Macum­ba de Gringo », a‑t-il dit avant de disparaître.

 

(in memo­ri­am a Hugo Prat)

 

Extrait du recueil Južni križ  (« La croix du Sud »).
Tra­duc­tion de Bran­ki­ca Radić

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