IRREMEDIABLEMENT PRESENT

 

Au bord du trot­toir à côté du cor­don de police
une mare de sang, les réser­voirs d’essence des voitures

dans le garage sur West Street
qui explosent, air com­primé, l’alarme du gonfleur

à bout de souf­fle, saute, et roule sur le sol.
Cette femme les yeux fixés dans le vide, la robe

en feu. Ce qui survient l’espace
d’une sec­onde. Sur un sol intact,

une mappe­monde éclate
comme un bal­lon. Un pan­neau de sor­tie de secours

du pla­fond se liqué­fie. Les équiv­a­lences faciles
sont à éviter. L’enfer l’horreur

dans le quo­ti­di­en. Identifiables
le verre et le métal, pas les atomes

des cen­dres humaines. Je jette mes pensées,
séquences d’images, d’émotions, dissoutes

dans une masse, encodées dans le cerveau.
La pro­fondeur ou la largeur de la haine mesurées ?

De si haut, le temps qu’il faut
à ceux qui tombent. Serait-ce que la réal­ité, décousue

ne puisse se dis­cern­er ou que la conscience,
décousue, ne puisse la discerner ?

Le mes­sage que je transmets
Ce ray­on d’énergie focal­isée, non, ai-je dit,

non, je ne vais pas laiss­er quoi que ce soit
t’arriver. Je mobilise

dans mon cerveau un lieu où mes pen­sées trouveront
les tiennes – non, rien ne va t’arriver.

Un prob­lème de lan­gage, maintenant,
n’est-ce pas ? Il y a ces cer­cles vicieux

des caus­es accumulées.
Irréel c’est le mot. Je ne con­nais aucune

défense con­tre ceux qui sont accros à la mort. Dieu.
Mon Dieu. Je croy­ais que c’était fini, il le fallait

absol­u­ment. Qu’est-ce que je suis cen­sé ressentir ?
Des images qui, après cela, tour­nent dans la tête.

Sur­gis­sant devant moi, dans la fumée, cet homme
Devant la grille n’arrive pas à respirer.

J’ai du mal à respir­er, dit-il.
Vous avez vu ? J’ai vu. J’ai peur.

De quels … de quels états d’esprit s’agit-il ? Grise et
mar­ron, une boue épaisse de débris,

poudre. Une bande de con­tre­plaqué de la fenêtre
qui pend – de quel genre d’arbre  ?

Ce qui n’est pas séparé, ce qui n’est pas
grif­fon­né, ce qui ne sera pas métamorphosé,

réduit, se déclarant, l’on dira que ce sera
irrémé­di­a­ble­ment figé, irrémé­di­a­ble­ment présent … 

 

 

Poème extrait du recueil Into It (Far­rar, Straus and Giroux, 2005). Tra­duc­tion inédite Cather­ine Pierre-Bon – Droits réservés.

 

*

 

 

 

image_pdfimage_print