Les édi­tions du Cas­tor Astral, dont le cat­a­logue de poésie est un des plus beaux de notre époque, ont eu l’excellente idée de faire paraître une antholo­gie des poèmes de Jean-Luc Max­ence. Antholo­gie con­coc­tée par les soins du poète, par­mi des poèmes parus depuis les années 70 chez divers édi­teurs, dont SGDP, Cham­bel­land ou Le Nou­v­el Athanor, ou dans des antholo­gies col­lec­tives, des revues. Il s’agit ici de réu­nir ce qui est épars, de tra­vailler aus­si, à l’évidence, à retir­er ce qui, aux yeux du poète, appa­raît peut-être comme étant des scories. Max­ence a ain­si choisi de nous don­ner le meilleur de sa poésie. À lire l’ensemble, on com­prend mieux pourquoi le titre du recueil com­mence par le mot « soleils » au pluriel et pourquoi les­dits soleils sont tenus « au poing ». Il y a plusieurs Max­ence, tant en ce qui con­cerne l’écrivain et son par­cours que en ce qui con­cerne sa poésie. Et dans tous les cas, ces Max­ence mul­ti­ples sont unis le long d’un axe, quelque chose d’un com­bat au poing. On trou­ve cette idée de mul­ti­plic­ité dans la belle pré­face de Del­bourg, belle en son ami­tié, dans laque­lle le pré­faci­er tente de saisir en Max­ence un « Max Jacob soix­ante-huitard ». Et en effet le poète sur­prend de par ses engage­ments divers, entre out­ils de con­struc­tion, psy­cholo­gie des pro­fondeurs et mag­a­zines catholiques, action auprès des jeunes malades et défense de la lib­erté de 68. Max­ence n’est pas un mys­tère, n’en déplaise à Del­bourg, il est un poète, c’est-à-dire un homme vivant en com­plète lib­erté, toutes con­tra­dic­tions réu­nies de par leur com­plé­men­tar­ité. Une sit­u­a­tion, plutôt qu’une posi­tion, qui ne peut que dérouter en ce début de siè­cle solid­i­fié. Max­ence est sim­ple­ment ani­mé par plusieurs feux / soleils, cer­tains lumineux, d’autres proches d’un soleil noir.

C’est aus­si le cas de sa poésie. For­cé­ment. À moins d’accorder du crédit à cette étrange légende selon laque­lle un homme écrivant et l’écriture née en cet homme serait sépara­bles. Le recueil com­mence par un poème sim­ple­ment nom­mé Mai 68, poème qui voit un « éclat » inédit dans les slo­gans de la jeunesse et admire les craque­ments de vieux dont souf­fre la bour­geoisie. On dit par­fois que Max­ence est un homme de droite, cela doit bien amuser le poète qui a écrit ce beau poème ant­i­cap­i­tal­iste inti­t­ulé Au Tem­ple. Max­ence est rarement là où on croit l’entendre, lui qui écrit ceci :

 

J’attends en vain
Le divorce des étoiles

 

Ou qui observe ce moment « Quand l’impasse du monde égorge le soleil ».
Des images vivantes, ful­gu­rances devenant la réal­ité dans les yeux du lecteur, la poésie en somme. Il y a cela dans la poésie réu­nie en ce recueil. Il y a aus­si des vers descen­dant vers les pro­fondeurs, suiv­ant les racines d’un aca­cia, chez ce poète maçon autant que chré­tien, ne masquant du reste aucun de ses engage­ments, ce qui autorise le chroniqueur :

 

Pour mieux cern­er notre espérance
J’oublierai l’affrontement noc­turne de l’Air et du feu
Inutiles débats pour quelques tach­es en plein soleil
Il n’est pas de bon­heur sans pas­sages tristes
D’eux je garderai la nudité blessée d’un enfant perdu
Un cer­tain goût de sel qui m’enserre encore

 

Une poésie qui ne manque pas non plus de facéties, comme dans les vers des Amants de la Sier­ra Neva­da, ni d’amour, tant il n’est guère de poésie sans amours et jolies femmes. Poètes, nous serons en accord là-dessus.

Ou d’humour sérieux quand il reprend le thème de Lib­erté, dans ce poème Elu­ard et Coca-Cola et qui se ter­mine par ce vers : « Ils ont écrit ton nom
Coca-Cola »

Il y a une con­tes­ta­tion de non con­formiste révo­lu­tion­naire, une sorte d’anarchisme spir­ituel dans la per­son­ne et la poésie de Jean-Luc Max­ence, et c’est cet ensem­ble d’apparence dis­parate, pour ceux qui ne savent pas lire dans les âmes, tout cela, qui fait la valeur de ce livre.

Max­ence, édi­teur des étoiles, poète libre prenant ce métro qui menait à la mer.

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