La poésie de Jacques Ancet

Par N‑E Boucheqif

 

«J’énumère  au hasard mais le hasard ignore le hasard, il me con­duit, et si je me perds, il me trouve
ce sont les voix qui par­lent dans ma voix, leurs rires, leurs cris, leur rumeur incompréhensible
ce sont et jours et nuits et foules et forêts et décharges et déserts, tout ce qui fait l’immense con­tra­dic­tion du monde ».

J. Ancet, Ode au recommencement.

 

Jacques Ancet nous donne à lire à la fois une poésie savante et spon­tanée à tra­vers ce duel de l’esprit et de la chair entre le reflet fugi­tif de la sai­son et celui des heures.
Ses mots sont clameurs et échos d’une vie tra­ver­sée de lignes de fuite où le poète est sincère dans son repen­tir comme dans sa vio­lence satirique, dans ses nuées comme dans ses éclairs, ses entête­ments à vouloir écrire le même poème qui impose à ses mots une rigueur qui finit par nous désarmer par l’hardiesse de l’expression.
Le poète nous sur­prend et l’on demeure éton­né des fac­ultés d’invention et de créa­tion d’un poète qui avance avec une sureté et dans un silence magis­tral où tant d’acuité s’unit à tant de discrétion.
 « L’homme n’écrit rien sur le sable à l’heure où passe l’aquilon », dit-il. Sans doute parce que l’idée se fond dans un ensem­ble de sen­sa­tions et de sen­ti­ments qui écar­tent la logique du raison­nement qui impose un quadrillage de la parole poé­tique et cas­tre l’intelligence et l’imagination.
 

En lisant Jacques Ancet, nous avons l’impression de lire tou­jours le même poème dans une lutte con­stante, mais ce proces­sus répéti­tif se fait esprit par ses rebondisse­ments per­ma­nents et nous sommes ten­tés con­stam­ment  par la déli­catesse de sa puis­sance verbale.
Dans cette œuvre empreintes de cour­toisie qui n’exclut ni fer­meté ni l’entière indépen­dance, s’exprime l’intime essence de l’individualité, la somme de représen­ta­tions qui s’offre tou­jours à la con­science avant que com­mence tout  tra­vail rationnel.
 

Le poème nous émeut par sa sim­plic­ité, son ton grave et sere­in dont la réal­ité pro­fonde est fixée d’avance dans le poème et elle est aus­si vivante qu’au pre­mier poème.

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