J’ai pub­lié de nom­breux arti­cles et des entre­tiens, depuis ma décou­verte à la fin des années 70 de son pre­mier recueil poé­tique : Pro­vi­soires amants des nègres (Seuil, 1962) sur et avec Marcelin Pleynet. Tous ses livres (poésie/essais sur la peinture/journal/romans) sig­nent une odyssée du nom pro­pre sous l’éclairage d’une pen­sée en alerte et de sen­sa­tions vécues. Ils tien­nent la poésie en éveil dans la rad­i­cal­ité d’un retrait qui prend sa source, notam­ment, chez Rim­baud et Lautréamont.

La poésie de Pleynet (qui passe surtout par la prose) est à l’écoute de ce qui s’obscurcit et de ce qui se déploie. Elle vibre au rythme d’une pen­sée prenant plaisir à nom­mer : com­man­de­ment, souf­fle, parole, for­tune, grand mât dressé… avec le bat­te­ment du sang, l’ordre qui est un désor­dre heureux, l’art du déplace­ment, le vers mené jusqu’à l’irisation de la pen­sée, et tou­jours dans la célérité des signes. Voici une poésie à la con­nex­ion d’écrits et de biogra­phie, con­fron­tée aux don­nées objec­tives comme à l’opacité de la nuit du monde et tou­jours située dans le présent du « j’ai été ».

La pen­sée s’insère dans l’exercice de l’existence et de la lib­erté, et de l’aventure poé­tique qui en découle. Lisant Pleynet, il ne faudrait pas oubli­er la Chine, ne pas oubli­er Georges Bataille et le crime qui est au cen­tre de l’agitation humaine, ne pas oubli­er Niet­zsche et l’intelligence de la forme éprou­vée comme con­tenu, ni le fait que la prose occupe la poésie, ne pas oubli­er le dis­posi­tif chant/critique de Lautréa­mont, ni Rim­baud et sa lib­erté libre.

Il ne s’agit pas ici, dans les pages de Recours au poème, de com­mé­mor­er un tra­vail mais d’affirmer la présence d’une démarche et d’une écri­t­ure méditées et riche d’enjeux. Cette très courte antholo­gie passe par l’oreille. Car le souf­fle de la néga­tion comme les per­les d’or de la pluie tien­nent tou­jours ensem­ble, dans la musique du poème.

 

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