Com­mençons par l’impossible aveu que peut nous faire une(s) langue(s) si on se laisse (un peu) ploy­er par elle(s). En traduisant ces poèmes, ces pages, du Lyric Sex­ol­o­gy de Trish Salah que voici, je lui ai adressé un mot pour lui dire que je la tradui­sais on the verge of tears. Bien sûr que l’œil français attrape la verge et l’ingurgite sans ambages, lui assig­nant une place bien pré­cise, mais voilà que l’anglais qui m’exprime enfreint à cette qual­ité immé­di­ate­ment récupéra­trice de la langue française qui en ferait une bouchée. Car Lyric Sex­ol­o­gy est un texte anthro­pophage qui se repaît des temps con­fon­dus des espèces antiques et des guer­res actuelles, trans­vas­ant le désir de corps en corps mécon­nu de ce temps, du temps advenu du présent où aucune langue ne s’avère sus­cep­ti­ble de dire ce qu’est un corps (ni un corps, ni un sexe, ni un dieu, ni un ser­pent). Il ne s’agit pas d’un enchevêtrement any­thing goes non plus, mais d’un anthro­pophag­isme savam­ment entre­pris (avec toute la cir­con­spec­tion due au savoir), et avec coquet­terie, qui, non plus, dans le mou­ve­ment trans­ver­sal qui le trans­pose de l’anglais au français en dévoile encore un aspect jusqu’ici dan­gereuse­ment enfoui. J’écrivais à Trish une let­tre et c’est par une let­tre qu’elle m’écrivait, en Tirésias des temps pro­jetés, déployés, splen­dides et rav­agés. J’arrive, il est vrai, en retard, et ce retard est le temps qui m’est assigné, le temps des voy­outages et des pris­es de pos­ses­sion des airs can­ni­bales sur lesquels on voltige. Le verge anglais est une orée, un abord, je te tradui­sais au bord des larmes dirais-je, en bon français, même si le mou­ve­ment de retour vers la même langue dite de départ, m’amènerait à traduire cette même phrase par je te tradui­sais à l’orée des pleurs, car évidée de toute com­mune mesure, et s’adonnant à une expéri­men­ta­tion pho­tographique, on serait ten­té, par surim­po­si­tion d’images, comme le fai­sait Fran­cis Gal­ton à l’époque de l’espèce ain­si mesurée, et le philosophe autrichien par après en soustrayant l’eugénisme de son attrait, à une forme bien par­ti­c­ulière du désir, désir dont le verge anglais recou­vrant le verge français, don­nerait for­cé­ment une nou­velle (si ce n’est anci­enne) appréhen­sion du désir par laque­lle je te tradui­sais à la verge des pleurs ou encore on the cock of tears ; quoiqu’il en soit, l’erreur qui appelle l’œil à sa faute a l’honneur de nous appel­er à l’ordre du con­tre­fait qui n’a pas d’ordre si ce n’est la mort en émer­gence (enten­dez ici l’emer­gency qui s’y inscrit). Lyric Sex­ol­o­gy est un traité d’ontologie qui rap­pelle l’humain à ses mau­vais­es manières de sex­u­a­tion, d’amour et d’antan. Il entend l’erreur propagée et loin de cor­riger l’Histoire, il cor­rige le présent dans l’œil du voy­ant, voy­ante. À tu et à toi.

—N.

Chica­go, mai 2014

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