Le vis­age de ceux qu’on n’aime pas encor
Appa­raît quelque­fois aux fenêtres des rêves
Et va s’illuminant sur de pâles décors
Dans un argen­te­ment de lune qui se lève.

Il flotte du divin aux grâces de leur corps
Leur regard est intense et leur bouche attentive ;
Il sem­ble qu’ils aient vu les jardins de la mort
Et que plus rien en eux de réel ne survive.

La furtive douceur de leur avènement
Enjôle nos désirs à leurs vouloirs propices,
Nous pressen­tons en eux d’impérieux amants
Venus pour nous afin que le sort s’accomplisse

Ils ont des gestes lents, doux et silencieux,
Notre vie uni­ment vers leur attente afflue :
Il sem­ble que les corps s’unissent par leurs yeux
Et que les âmes sont des pages qu’on a lues.

Le mys­tère s’exalte aux sour­dines des voix,
À l’énigme des yeux, au trou­ble du sourire,
À la grande pitié qui nous vient quelquefois
De leur regard, qui s’imprécise et se retire…

Ce sont des frôle­ments dont on ne peut guérir,
Où l’on se sent le cœur trop las pour se défendre,
Où l’âme est triste ain­si qu’au moment de mourir ;
Ce sont des unions lam­en­ta­bles et tendres…

Et ceux-là res­teront, quand le rêve aura fui,
Mys­térieuse­ment les élus du mensonge,
Ceux à qui nous aurons, dans le secret des nuits,
Offert nos lèvres d’ombre, ouvert nos bras de songe.
 

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