Trois Poèmes

(Quito — La Chim­ba, 2016)

 

 

Guayasamín
Loin de moi ces mains nouées ces os brûlés par le travail
ces petits vendeurs enfants à cig­a­rette à coca
Loin de moi ces cos­tumes sans parade
ces oiseaux sans envol
Loin de moi son cou brisé dans son cadre noir
sa peau jaune ses yeux sans pupille
La madre indigène
Un vis­age sans relief une souf­france plate unie
qui refuse de se distraire
Celle qui noie le rouge dans le lait
Celle qui se penche sur l’enfant
Loin de moi
Cette douceur
ces sour­cils qui se rejoignent et s’apaisent
un toit pour le vent des Andes
un refuge pour la pous­sière des laves sèches
Loin de moi
Celle qui tient au silence
Celle dont les poignets se détachent

 

               ***

 

 

Dans la descente
le chien blanc con­tre un mur blanc
L’homme s’arrête de taper le bois
sus­pend son marteau pour me regarder
Les voitures freinent et couinent
con­tre les fleurs jaunes
La rouille dégouline sur les portes claires
traçant les fron­tières d’un pays
Dans la descente
Mon corps à l’aube mes mains au soleil

 

              ***

 

 

Il donne la clé pour l’appartement 303
et attend que toutes les cou­ver­tures du jour
rouges ocres bleues se déplient jusqu’aux broderies des étoiles
Le concierge roupille et attend la dernière pelletée
de la dernière galerie de la dernière mine d’argent

La fin de l’é­cho les gorges blanch­es des porcs

Huit heures vien­nent s’étein­dre dans l’eau du vase
La robe fripée des œil­lets blancs
ven­dus par des mains nocturnes
Des mains
qui por­tent un lende­main pâle à leurs bouches

 

              ***

 

 

 

 

 

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