Nous y voilà encore et je ne sais pas où.
A décou­vert à l’aveu­gle un vertige.
Je tiens le ciel au bord de la tasse et du lit.
Lignes croisées sur la fenêtre,  une trace de lait sur ta lèvre.
Sil­lons du soleil comme des brûlures, désir dans les hanches,
Picabia des oiseaux dans les manch­es, et un envol en montgolfière.

Debout, on veille aux bris, aux larmes dans nos coins, 
aux fris­sons de la terre, aux orages,
aux morts qui passent partout, et.
Y’a pas à dire moins.

Je fris­sonne d’un rien et tout me réprimande.
Me bats la chamade du cœur, coups de tip ! et de tap !
une pul­sa­tion du sang
des coupes pleines, colère et mélan­col­ie je ne défriche  pas, trop pleines,
je ne trie pas le sable  et le robi­net perd ses eaux, goutte à goutte.

Ton corps bien fait pour moi ! Un bais­er resté là dans la rue.
Notre langue d’oiseau sous la maille des vagues.
Pas noyée,  pas noyée.
Pas morte.
Il neige main­tenant sur mes pieds nus à marcher dans le lait refroidi.
Dans un réduit sous terre  là-bas, des résidus de mémoire,
une écorchure,  si seule­ment tu savais,
un état de couchant, 
dans des creux, des sortes de nids de poule,
des flo­cons dans la bouche ouverte.

Je voudrais me saouler à l’eau de ton ventre.

Une rage de vie bleuit les jambes,
une bougie grésille la paix du corps et.
J’en­tends ton souffle,
on dirait un ruis­selle­ment sur du gravier
quelqu’un qui marche en toi.
Le planch­er craque dans tes nerfs.
Petite bête aux abois que je ne quitte
pas d’un pouce par toutes les commissures.
Tu me pâlis, me pâlis, me plaîs
infin­i­ment au corps.

Un trait dans la nuit
jusqu’à ce chemin d’en­cre jeté dans les yeux
plus loin que la parole.
Et l’écran tra­verse ton visage.
Et nos yeux ont mal
et aus­si les mains
et aus­si toute la figure.

La nuit calée sur les épaules 
dévorante
en attente d’un geste, une vraie nacre pure au bord,
et fauve.

Tu   écrirais notre his­toire dans la nuit jetée.
Un phare au milieu de nulle part,
une cabosse rem­plie de sen­ti­ments et
de yeux longs mur­mu­rant des mots indéchiffrables.
Les murs de la cham­bre en retard du monde,
silen­cieux mou­ve­ments à vitesse basse, une lune passée.
Alors on lâcherait la peur de tomber.

Com­ment réduire le chaos à une douceur,

une clé­mence depuis le para­pet où l’on se tient ?

On avale du vide et on se débat.

pour  une plage de lumière, une seule.

Seule­ment là,

seule­ment,

seuls,

cha­cun seul, mais.

Prends tout, même le sel aux racines, prends ! 

Juste pour le temps qui file, drôle de zig !

Retrou­ver l’in­cer­tain, un jour borgne ,

des par­fums inven­tés de tous les mots

dis­ant  désir et aube. 

Un espace neu­tre et neuf, un bar de nuit

où on achètera des cig­a­rettes, une gare de l’autre côté de la rue,

une salle où per­dre les départs.

Et tou­jours là, cette chose

pour y voir quelque chose dans le noir.

Un goût de terre dans la bouche, une pierre effritée.

Le corps sus­pendu à un arc de ciel perché
qu’il fau­dra décrocher.
Et pein­dre la soif.
L’odeur qui reste.
Un calme blanc lais­sé  derrière,
qui cloue tou­jours la bouche.
Une trouée du ciel la dernière à paraître.
Présente et.
Présente mais.
On sait ce qui est inscrit dans ce qui vient.

On par­le trop. Encore trop.
Les mots plein la langue lais­sent le corps sur la barrière.
Et le jour froisse  le cœur.
Les yeux  ger­cent à force d’être ouverts.
Dans la toile du mirage,
et la ville en délire,
tou­jours des regards,
coulures en coin au rim­mel à rien qui tienne.

Regarde-moi.  Avec un éton­nement de vivre.
Une fix­a­tion bis­cor­nue des images sous un auvent
et on n’y entend que couic.
Le monde est   vit­rine et
on reste là, à la glue des mots,
des “je t’aime” traversant,
une lampe allumée pour le passage.
Un gant au crin du jour. Une écorchure dans la gorge…

C’est alors que la voix penche,
la même que la veille,
un dépli de la main, et au-dedans,
une cig­a­rette dans la nuit,
nos corps enfin tombés,
tombés, tombés encore à genoux.
La langue ne passe pas sur les lèvres.
N’ose pas. N’ose plus.
On la garde aux rebonds du rêve.

On se regarde longtemps.

On dis­loque l’assem­blage de ses chairs
au-dedans de sa chair.

On apprend un autre corps
qui pour­tant est à soi.

On trem­ble dans la nuit, 
on laisse ce qu’elle voudra de nous,
nos bouch­es tran­spirent, la tête chavire dans le rav­age du sang. 
Tu  m’attends.
Tu  imag­ines un saut de magi­cien, un sursaut.
A l’in­térieur du souffle,
le corps chaloupe au ciel.

Le mur­mure de mon vis­age appelle ton visage
et un tas de branches.

Une maille après l’autre défait la mort.
Une métaphore prise en ciment dans le recueil,
une gelée rouge de l’infini.
dans une fis­sure brûlée
pour tout compte.

Et le jour n’en finit pas de trembler
au coin du désen­chan­té degré d’an­gle de l’ordinaire.

Tu dis : “On ne s’in­quiète pas, hein ? on ne s’in­quiète pas”
Et la nuit remonte vers la sor­tie, tri­cote des débauches
de lèvres, des regards de ven­tres perdus.
Le temps s’éprend sans cesse de l’incertain.
mélange aux curiosités et aux effronteries.
Et toi, toi,
tu es fou d’amour dans mes instants de grâce.
Tu dis qu’on ne sait rien, qu’on ne  saura pas,
ni les lèvres ni le ven­tre, ni les bais­ers ni les étreintes,
on ne saura. On n’y pensera pas.
On sera seule­ment ven­tres et lèvres,
à s’ar­racher la douleur par saccades.
Cris et mur­mures dans le cri.

La peine aura des bras où enfouir ses yeux.
et brûler tes peines ,
la peine de toutes nos peines, tu verras.

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