Recours au Poème évoque sou­vent cette très belle revue, pour cette rai­son que nous nous sen­tons des affinités fortes, sur le plan des con­cep­tions du monde, du réel, de l’homme et de la poésie. Entre autres. Mais aus­si car Phoenix est sans doute aucun l’une des plus impor­tantes revues fran­coph­o­nes de poésie con­tem­po­raine, pro­posant des som­maires de très haute tenue. En ce dix­ième opus, le lecteur de la revue décou­vri­ra (c’est mon cas) ou redé­cou­vri­ra l’atelier d’une femme poète de nation­al­ité algéri­enne, femme poète et « mil­i­tante de la cul­ture » nous dit-on : Djo­her Amhis-Ouk­sel, laque­lle tra­vaille inlass­able­ment à la défense et à la pro­mo­tion « des œuvres les plus remar­quables de la lit­téra­ture algéri­enne d’expression française ». Une telle démarche, pugnace, mérite ample­ment en effet d’être ain­si mise à l’honneur. On lira ici des con­tri­bu­tions pas­sion­nantes sur Djo­her Amhis-Ouk­sel, dont la présen­ta­tion du maître d’œuvre de l’ensemble, Téric Bouce­b­ci, ain­si que des textes de la femme poète, choix de pages issues du Chant de la sittelle :

 

Titem regarde au loin…
Sa main désig­nait quelque chose
Regardez ! Regardez !
Les fleuves remon­tent vers la source.
     De mémoire d’homme
     De mémoire d’humanité
Le monde est à l’envers ! Le mal a pris la place du bien
     Pleurez ! Pleurez !
Vous ne ver­rez plus l’eau qui brille au soleil.
Vous n’entendrez plus le bruit des cascades…
     Non ! Ne pleurez plus !
     Ecoutez !
     Ecoutez !
Enten­dez-vous l’eau enfouie dans les profondeurs ?

 

Des textes forts, empreints d’une pro­fonde grav­ité, accom­pa­g­nés d’études signées Danièle Maoudj, Ham­moudan Abde­louahid, Michel Louy­ot, Adri­ana Las­sel, Ghen­i­ma Kemkem Rekis et Marie-Chris­tine Mas­set. Ce dossier légitime à lui seul la lec­ture de ce dix­ième numéro de Phoenix.
Vient ensuite un fort beau « Partage des voix », com­posé de voix de poètes con­tem­po­rains, cer­tains présents aus­si dans nos pages, ou qui le seront bien­tôt, point de hasard en effet : François Bor­des, Clau­dine Helft, Françoise Siri, Guil­laume Decourt, Arnaud Tal­houarn, l’ami et mem­bre de Recours au Poème Math­ieu Hil­figer, Marie-Chris­tine Mas­set. Poètes accom­pa­g­nés des voix de Yan­nick Tor­li­ni, Jean-François Lau­rent, Guy Per­rocheau, Mar­cel Migozzi. On retrou­vera aus­si le très beau poème hom­mage con­sacré par Marc Delouze à Ali Prodim­ja, Ali par­ti, poème que l’on peut aus­si lire ici.
L’ensemble de ce partage des voix est de très haute tenue, et l’on a plaisir à retrou­ver en par­ti­c­uli­er la poésie pro­fonde de Marie-Chris­tine Masset.
Les pages de la revue pro­posent ensuite une « Voix d’ailleurs » en la per­son­ne de Jang­bu, poète né au Tibet en 1963, et présen­té ain­si : « Con­sid­éré comme un chef de file des poètes tibé­tains d’avant-garde au début des années 1980, il est aus­si l’un des intel­lectuels tibé­tains les plus écoutés dans son pays, où il a reçu de nom­breux prix. Fon­da­teur de plusieurs jour­naux lit­téraires et du pre­mier et seul fes­ti­val de poésie tibé­taine indépen­dant au Tibet, il est aus­si devenu depuis 2004 réal­isa­teur de films doc­u­men­taires ». Jang­bu est avant tout un poète de haut vol que l’on peut lire grâce à l’Oreille du Loup (Le hachoir invis­i­ble, 2013). Ainsi :

 

La péniche rem­plie de poésie
Transperce le brouil­lard et l’église
Transperce la pluie et la roche
Transperce le vent et le canal
Glisse à contre-courant
Glisse loin de la mai­son où vécut l’éternellement jeune Rimbaud
Laisse à nou­veau tout der­rière elle
Sans trace aucune
Comme un grand man­dala de sable col­oré qu’on efface après
réalisation

 

Vien­nent ensuite, comme à l’habitude, des textes en « spo­rades »  et des lec­tures de recueils/livres. Cette revue est à lire et con­serv­er dans les rayons de sa bibliothèque.
 

Phoenix. Cahiers lit­téraires internationaux.
Direc­tion : Yves Brous­sard et André Ughetto

www.revuephoenix.com
revuephoenix1@yahoo.fr

4, rue Fénelon. 13006 Marseille.
Le numéro : 16 euros

 

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