D’abord on met les tapis
	Puis on met le reste tous ces outils inutiles
	qui viennent de loin
	On place une table ramenée de l’exil
	des mosaïques rouges scellées de béton gris
	on cherche la place des livres
	que nous ne lirons plus
	tant ils sont devenus le mur familier de l’errance
	et puis — un peu d’air tiède
	Après les tapis on place un vase sur le sol
	Après les tapis la table et les chaises —
	et une casserole ivre !
	Voilà la chambre trop étroite et le lit trop serré
	Les bagages ne sont pas arrivés !
	Toutes ces choses inutiles  — exotiques —
	elles portaient la marque d’un autre siècle
	Voilà les langues se mêlent — les enfants n’entrent plus
	dans leurs habits trop courts —
	L’immigrant croit qu’un rideau neuf peut changer une vie
	On finit par s’installer – malgré le vent
	Chacun vient vous dire Bonne chance !
	Bienvenue chez vous !
	Chacun repart vers des choses qui résistent
	Parfois un couple d’avions passe au-dessus de nous
	Les fêtes arrivent – Vous aviez cru être attendu
	La poussière n’était pas au rendez-vous
	Calmez-vous ici rien n’est grave
	Tout arrive — il suffit de cesser d’espérer
	La guerre efface tout
	L’immigrant ne voyait pas son aile vulnérable
	Il devient sourd sa peau le dérange
	Êtes-vous allergique au nénuphar ?
	— dit le docteur Allongez-vous il faut attendre
	Que reste-il de l’exil sinon le regard
	Que reste-t-il sinon le départ
	Voilà qu’on vous adopte
	Un téléphone arrive avec ses formules
	Ne perdez aucun message!
	Tu dois aimer la terre ingrate qui t’accueille
	Et le chien qui te sépare du loup !
	Ici on ne rappelle jamais!
	Chacun porte son alliance par l’écoutille des foules
	L’immigrant revient par la piste du clown
	Il faut racheter tout — des clous des vis des tournevis
	une perceuse des abat-jours des planches
	de la lessive des assiettes pour Pessah
	L’immigrant voulait seulement un trou comme
	ceux qui ont vieilli ici —
	Parfois — Il joue aux cartes —
	Parfois il critique les boutiques
	C’est bien — il s’est perdu sur le sentier futile
	Alors, venez vendre des pacotilles !
	J’ai un poste pour vous il vous faudra une voiture
	Personne n’est venu au monde pour justifier votre parcours
	Vos diplômes sont l’humus des lynx et des loups —
	Seules les femmes refleurissent —
	Ici il faut perdre tout
	Aimez ceux qui vous ignorent ils sont votre Providence
	Parfois la nuit berce le matin qui sépare
	le chevalier de son insomnie
	Allemande ou fille d’Éthiopie où sont vos fils — 
	À l’armée dites-vous ? Le mien n’est pas revenu du Golan
	La fumée l’a repris dans un corset de fer
	Vous vouliez le calme mais le vent du désert
	revient toujours
	Voici le temps du bruit —
	La mort s’éloigne par petits sandwichs
	Déjà midi Déjà le matin
	Ne criez pas contre la musique
	Tout arrive même les bagages pourris
	Adieu mer agitée et visite guidée
	Je reprends mes chaussures
	Je reprends le sable
	de mes souvenirs
	Le vent monte vite mais où ?
	Vers Jérusalem où rien ne se décide
	Vers Damas où les chacals se déchirent
	Voilà Jéricho qui sommeille en ses dehors paisibles
	Du nord et du sud monte un soupir.
S.O. 6 décembre 2013
extrait de : Israéliens (bilingue) Édition Steymatsky 2014, livre de photo d’Axel Saxe.
 
			
					















