Les outremers ont débarqué
Nuit de paroles sans limites
Grains de sable coulés dans l’émerveille
Et les louves ont léché des langues de terres réinventées
Fraternité farouche
Tendresse des poussières souveraines
En peau de lune
En peau de tambour
Vie obstinée sous l’empreinte du marqueur
Du plus haut langage à bout portant des mots
Ne serait-ce que l’éclosion d’un autre visage
Au diapason des atomes
du monde
Soleils blessés de précipices en précipices
De traversées en traversées
Au plus secret d’un long voyage de cœur à cœur
D’une longue semence de mers consacrées
D’un lasso d’oiseaux et de piments
L’étoile qui met le cap aux iles
L’étoile qui coud l’éventail de l’arbre du voyageur
L’étoile piégée dans la nasse des solitudes
Eperdue d’aimer d’autres lendemains
Où
De quel côté vont toutes ces paroles à la lisière des jours sans chaînes
La liberté au bout de la langue
Syllabe de rosée noire
Et ce que nous commémorons ce sont des barricades d’étoiles
D’immenses métamorphoses de fossiles
O danseuse
amie des grands fonds et des souffrances
Dansant
O danseuse
amie des tourbillons
Les courants indociles portent ta traine de feu
Gifle des sons
Semailles de sons
Nous portons la couronne des marées
Les îles sont d’éloges et de fureurs inquiètes
Les îles sont d’éloges et de rumeurs inquiètes
Des bains démarrés
Des cavernes de porcelaine
Des épées de fumée
II
Les outremers ont débarqué
Tapis de plaies sonores
Tapis des mers constellées
Bouts de terres
Boutures
Rhizomes
Signaux de fumée
Galets d’étoiles éveillées
Et il n’est pas un dictionnaire pour nous donner le sens exact
D’ailleurs il n’y a rien à dire sinon que nous sommes les pétales d’une immense fleur des mers
Que nous sommes des terres
Des peuples et des pays
Que nous soyons petits fait notre grandeur
Que nos mots tombent en gouttes d’amitié pure
La musique est venue
Oui la musique
Comme un fruit qui éclate et livre son soleil
Comme le battement intact
La pulsation d’une ruche
Le son intime
La résonance
L’écho des libertés
Et puis la danse bleue est venue
Brûlis des pas de papillons
Le corps tresse sa flamme
Le corps secoue la terre comme un torrent qui fond
Le corps picore le cœur d’un tambour sincère
Et les gouffres se referment
Et Gorée explose
Et nos îles rejoignent les pyramides
Et le monde tressaille comme un arc-en-ciel tout neuf
Et c’est nous
Pays-mêlés
Lumière blessée d’imprévisible lave
Nous sans masques
Lame battante des fraternités
Nous qui avons l’haleine des Grands Malheurs
Nous qui sommes revenus de si loin
Nous qui ouvrons les bras d’un monde trop fermé
Nous les dépositaires des couleurs du monde
Tout le monde est d’outre-mer
Venus du plus vieux sang
Et des plus jeunes matins
Nous sommes les étincelles de l’univers
Lyon
Le 10 Mai 2011