Quelles ténèbres n’ont pas vu ces yeux rougis,
Quel affront, quel cynisme ne fut cette gifle
Au front du vent.
Pour vous
J’ai trem­pé les doigts dans l’aneth et l’estragon,
Les ai poussés dans vos nar­ines étroites
Et vous ai nour­ris du Sud.
Je vous ai offert les froidures de l’hiver,
Vous ai porté les ulule­ments du loup
Et vous ai fait dormir dans la pureté du Nord.
Je vous ai mon­tré l’astre au levant,
Je vous ai mené à l’Ouest au ponant,
Je vous ai con­duit sur tous les rivages,
Sur tous les continents.
Je vous ai portés, je vous ai soulevés,
Je vous ai ouvert le ciel et vous ai enseigné
Le vol de l’étourneau.

Je vous ai appris le lan­gage du chêne
Qui s’est allié à ceux de votre race,
Et la vigne pour vous s’est tuée au combat
Sans fail­lir à la tâche.

J’ai porté votre nom au-delà des limites,
J’ai con­duit vos enfants, fait pâtur­er vos bêtes,
J’ai fait entr­er la gloire dans vos têtes trop vides,
Pan­sé vos plaies, adouci vos morts,
Ouvert les jambes de vos femmes
Et comblé les absences de l’âme.

J’ai par­ié des Empires sur vos pau­vres carcasses,
Fait souf­fler le Zéphyr et gron­der les orages.

Je vous ai livré les secrets de mes fils,
J’ai mur­muré leur nom au creux de vos oreilles
Et les ai fait rejoin­dre vos hordes de servants.
Quelle gifle au front du vent.

Quelle gifle au front du vent,
Car vous avez tout pris sans jamais un merci
Et votre amour pour moi n’est plus que du mépris.
Vous avez rejoué les règles du destin
Sur un avenir vide et bien plus qu’incertain.
Vous avez rejeté ce qui vous construisait
Pour des rêves enfan­tins, des chimères de salon
Qui bien­tôt j’en suis sûre,
Vous anéantiront.
 

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