S’ils écoutent mon appel au seuil de l’été
je leur dirai com­ment les rêves achèvent le cœur
com­ment les nuits éper­dues s’ouvrent
sur la dis­per­sion des jours

Rebâtir ces jours
con­tre une van­ité annoncée
un print­emps lapidé

Rebâtir les jours
à genoux
fasciné par l’existence
par un cri d’enfance
égaré dans la guerre

Attirée par un esprit confus
mon attente s’éloigne
et tra­verse sim­ple­ment la pluie sur la colline

Rebâtir les jours
comme si tout était prêt
Ces épo­ques tatouées sur l’argile
l’encens, le vio­lon, la voix et la flûte du chagrin
et pourtant
tu n’es pas venue avec ton châle brodé de sable

Nous étions morts-vivants
silen­cieux dans les entrailles de la douleur

Sou­venir d’une défaite
où des gens couraient
et je te cher­chais par­mi les pendus
et les vis­ages des sol­dats démoniaques

Rebâtir les jours
avec la brise
et l’habitude
l’aube renaissait
péné­trant le vide
et je ployais

Rebâtir les jours
à genoux
à la matu­rité du fruit défendu
je m’écaille
mal­gré cette averse démentielle
qui trempe l’âme des morts
Rebâtir les jours
à genoux
lorsque l’horizon se noie dans la crue du ciel
et que la forêt n’est plus qu’une flaque brûlée
Je serai de cette généra­tion qui marche à l’envers
por­tant son arche sur sa tête

Mar­rakech, mai 2012

 

 

Extrait du recueil “Rebâtir les jours” © Édi­tions Bruno Doucey, 2013.

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