Marie-Josée Christien est économe de mots. En trente courts poèmes, elle évoque dans un nou­veau livre ces « temps morts » qui, en réal­ité, n’en sont pas puisqu’il s’agit, bien plus, de moments en sus­pens ou d’instants arrachés à la frénésie des jours. 

     Temps morts ? Il faudrait donc plutôt dire « temps essen­tiels » à la suite de tous ceux qui à l’image de Pierre San­sot (Du bon usage de la lenteur, Rivages Poche, 2000) ont réha­bil­ité une autre approche du temps. « La durée n’a de sens que dans les temps morts », écrit Marie-Josée Christien. « Je me tiens debout pour ne pas m’égarer ».  Ce regard décalé sur la vie est néan­moins empreint d’un cer­tain fatal­isme. A moins qu’il ne s’agisse d’une vraie lucid­ité. « Adossés au secret/nous chemi­nons sur d’étroits sentiers/inconsistants/nous avons l’illusion/de façon­ner le monde ».

         Faut-il, pour autant par­ler « d’amertume », comme dans ces Petites notes d’amertume que l’auteure nous pro­pose dans un autre petit livre ? Pas vrai­ment, car l’amertume, dont il est ques­tion ici, a quelque chose à voir avec le goût âpre de l’herbe sauvage que l’on suce en chemin. Et assez peu avec la rancœur ou le dégoût du monde et des autres (« La sagesse est de l’amertume qui a décan­té »). Et le poète est man­i­feste­ment du côté de la sagesse.

     A la manière des moral­istes, Marie-Josée Christien dis­tille des apho­rismes de bel aloi pour dessin­er en creux (mais aus­si en relief) son pro­fil de femme et de poète, soucieuse d’amitiés et de rela­tions saines, de « fran­chise » et de « sincérité », loin des ten­ta­tions du pou­voir et de la dom­i­na­tion. Pour nous dire, aus­si, sa vision de la poésie. « Ce que je cherche dans la lec­ture d’un poème ? Le trem­ble­ment qui le tra­verse ». Plus loin, elle écrit : « La poésie affronte toutes les ques­tions qui bous­cu­lent les cer­ti­tudes. Elle porte ain­si en elle l’essence de la vie ». Et pour en revenir aux « temps morts » que, décidé­ment, elle ne nég­lige pas, elle pour­suit dans ses petites notes : « Lais­sons vivre les temps morts, ces par­en­thès­es immo­biles où il ne se passe rien. Indis­pens­ables et fer­tiles, bien vivants, peut-être sont-ils la poésie à l’état pur ». On n’est pas loin de le penser avec elle.

image_pdfimage_print