Poésie fémi­nine ou fémin­iste ? L’anthologie des poètes femmes améri­caines du XXe siè­cle penche du côté du fémin­isme. Ou, pour le moins, d’une forme d’engagement et de reven­di­ca­tion iden­ti­taire. Voilà d’abord des femmes qui jet­tent, pour la plu­part, un regard acide et sans com­plai­sance sur l’american way of life et sur le rôle qu’on y entend leur assign­er (de préférence ménagères et con­som­ma­tri­ces). Pas de doute là-dessus : on est ici, dans la majorité des cas, du côté d’une cer­taine poésie dite mil­i­tante. Avec, bien sûr, de larges vari­antes dues aux sen­si­bil­ités par­ti­c­ulières des unes et des autres, et notam­ment de la part de ces auteurs d’envergure dont la palette d’expression touche à de nom­breux domaines dif­férents de la vie. On pense à Sylvia Plath (1932–1963) ou à Gertrude Stein (1874–1948), poètes les plus fameuses de cette anthologie.

Dans une très belle pré­face, Olivi­er Apert touche bien du doigt « l’alliance secrète, la com­mu­nauté éparse qui rassem­ble la parole sen­si­ble de ces femmes » pour­tant « d’origine, de sit­u­a­tion, de renom­mée dif­férentes ». Selon lui, il y a chez elles « cette façon de tout ris­quer, de tout dire au mépris des con­ven­tions, des car­rières » et « cette impi­toy­able nom­i­na­tion-dénon­ci­a­tion des men­songes humains ».

Et tout com­mence sou­vent, explique Olivi­er Apert, par ce qu’il appelle « l’hainamoration » du père où « s’épanouissent les prémiss­es de la fémini­tude ». Il suf­fit, par exem­ple, de lire le poème « Dad­dy » de Sylvia Plath. « Dad­dy, j’ai du te tuer/Tu es mort avant de m’en laiss­er le temps — /Lourd comme le mar­bre, un sac plein de Dieu,/ Stat­ue macabre, un orteil gris/Enorme comme un phoque de Frisco ».

Il y a plus. Ces femmes, brisant le tabous, n’hésitent à faire état de leurs trans­es amoureuses ou de leur vie sex­uelle (« la glue de l’ardent désir », écrit  Jean Valen­tine, née en 1934). « Mon bas-ven­tre tres­saille comme une truite/et encore je ne con­nais que tes yeux et des avant-bras de mécano/Yeah, mais qu’en est-il de cette sacrée vieille sensation/de décharge élec­trique : ne l’avais pas ressen­tie depuis des années », écrit Eli­nor Nauen (née en 1953).

Sous l’insolence et la trans­gres­sion, pointe en réal­ité la colère et l’exaspération. « J’ai juré de venger toutes les femmes mortes pour rien, les femmes/mises en cage » (Alta, née en 1942). Cette colère « entre en sym­pa­thie avec les ghet­tos au pou­voir minori­taire – Indi­ens, noirs, homos, tran­sex­uels », note encore Olivi­er Apert et elle tisse les fils d’une « con­tre-his­toire ».

                                                                                                    

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