Quelque part à l’horizon où la poussière de silice rousse
 S’efface en longeant le mirage
 Je regarde passer le souvenir des Hommes du Matin
 Égrenant leurs caravanes bleues
De rares touffes de cet halfa gris qu’on tresse pour les couffes
 Ponctuent la distance ondulante
 Sparte et l’alphabet grec Les soldats noirs sur les poteries rouges
 Achille nu brandit sa lance contre Hector
Bizarre comme dans ma tête un mot arabe
 Réveille d’injustifiables images
 Voici le soukh et ses couffins avec leurs cônes colorés
 Poudre d’épices, de grains aux noms oubliés
Pareilles à ces bols de toutes les couleurs
 Dont tu broyais dans l’huile cuite et odorante
 (A faire bouillonner jusqu’à ce que le duvet frise !)
 Le cadmium, l’outremer, le vermillon, la strontiane et la garance…
A présent c’est Van Eyck et son vernis d’ambre dissout à froid
 Qui paraît : Giovanni Arnolfini et son épouse Le lustre cuivré
 Plus bas le miroir de sorcière et plus bas le cabot grincheux
 Et les socques de bois dans le coin gauche…
L’émerveillement absolu ! Ah si tu pouvais peindre
 Avec l’ambre des mots un réel qui soit aussi solide
 Et traverse le temps ! Mais ton poème à toi
 Est comme l’horizon qui tremble en longeant le mirage !
Juste un souffle d’air pur et l’immense désert blême
 Tandis que dans le ciel du soir – à l’instant où commence
 Ton écriture ténébreuse – ne s’allume
 Qu’une beauté impartagée et son frisson d’étoile solitaire !
 
			
					
















