TROUVEUR
Dis-moi si tu aimes, comment va ton cœur
Devant le poème si tu vois ce qui est
Présent et caché sous son masque
Un naufragé volontaire
Dis-moi si tu aimes, comment va ton cœur
Sur une île de silence si tu regardes bien
Une paix à peine née
Un vieil enfant
Dis-moi si tu aimes, comment va ton cœur
Entre deux soupirs entends-tu
Les bruits du monde
Une mort annoncée
Dis-moi si tu aimes, comment va ton cœur
Poignée de grains dans la main du semeur
Dans le sillon de la plume
Ton contentement
Dis-moi si tu fais ton bonheur
D’un chant d’oiseau d’un vol de vent
Accroches-tu les étoiles
Dans le ciel de ta tête
Dis-moi si tu fais ton bonheur
D’un gémissement de moineau d’un cri d’enfant
Dans la poitrine d’un humain
Dans la cage de tes mains
Je te dirai alors le malheur des sans nom
L’aigreur de n’avoir pas
Un ami qui ne soit pas moi
Un trésor sur qui veiller
***
POUR TE DIRE
Quand j’irai chez toi je sourirai
Et tu ouvriras grand ta porte quand
Seulement tu entendras ce que
Nous sommes vingt années de rêves
Je voudrai te dire que je t’aime
Mais tu es si loin, courageuse,
Les blés s’ouvrent à ma porte
Nous sommes vingt années de rêves
Tu grandiras aux bords abîmés de mon corps.
Forgé par les souvenirs un visage se noie
Une route au-dessus des nuages rouges
Nous sommes vingt années de rêves
Qui a dit que nous nous rencontrerons
Au milieu des pierres tu es l’oasis
Une route au-dessus des nuages rouges
Ton regard sur le mien et ces pensées sur mon corps
Tu sculpteras la colline aux vents qui s’offre
Et l’homme dit que sur la pierre il a soif
Son regard sur le tien et ces pensées sur ton corps
Une route au-dessus des nuages rouges
Les pierres des maisons ressemblent à tes mains
Tu es le soleil dans mes cheveux blancs
Et quand tu vois la neige s’éteindre
Tu dessines des soleils dans le gris des poèmes
Je prendrai le temps pour te dire
Nous nous élèverons en aéroplane
Tous au-dessus des villes ma ville bleue
Dessine des soleils dans le gris des poèmes
Nous prendrons le temps de vivre deux fois
Avec les pierres de l’amour, l’eau des collines
Une route au-dessus des nuages rouges
Dessine des soleils dans le gris des poèmes
***
Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin !
Oh ! La nuit est tombée sur Athènes
Oh ! Pénélope et Ulysse ont de la peine
La déesse Liberté et le dieu Amour
Reverront-ils la lumière du jour ?
Télémaque l’enfant ne connaît pas les prétendants
Qui pour une poignée de dollars ont construit le néant
Et la parque endeuille le peuple des rues
Et l’humaine déchaussée reste nue
Qui a laissé faire les princes de la guerre
Qui a démoli la paix de cette terre
Qui a eu peur de dire le temps
Qui collabore avec les méchants
Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin
Et vraiment le peuple dort-il où le feu est éteint
Car l’ombre de la ruine guette les pays voisins
Qui ne se soucient ni des grecs ni du malin
Tant que nous irons au temple pour prier
Tant pour l’exemple les prêtres pourront voler
Et le pain des jours et la lumière à la nuit
S’en iront en fumée et sans bruit
Je n’ai pas fait mon service universitaire
Mais je sais pour mes enfants le besoin
D’avoir l’amour pour grand-frère
Et la liberté pour pain quotidien
Oh ! La nuit est tombée sur Athènes ce matin !
***
DIHYA
Le vent dans son voile dénude ses rêves
Sa marche pressée est une fuite en avant
Car jamais sur cette Terre il n’y a de trêve
Jamais l’Arche ne délivre son désir d’enfant
La mer épique roule ses hanches d’écume
Dihya chante en elle pour ne pas pleurer
Les ruines où son cœur dormant est enterré
Dans les cendres chaudes des nuits d’amertume
Le souffle d’Éole la porte sur son aile
Je voudrais mais ne peux marcher avec elle
Sur le sol de mes étés je gémis blessé
Mes gardiens ont le visage noir fumée
L’eau salée de toutes les larmes de pluie
Laveront-elles toutes les blessures du jour
Dans le ciel rouge les étoiles brillent pour
La fin des fins blêmes tout au fond de la nuit
Dihya courbée sur sa marche franchit l’horizon
Le vent dans son voile lui chante une chanson
Berceuse pour celles qui sont déjà veuves
Et de guerre et de terribles épreuves
Le vent dans son voile dénude ses rêves
Sa marche pressée est une fuite en avant
Car jamais sur cette Terre il n’y a de trêve
Jamais l’Arche ne délivre son désir d’enfant
***
LA FIANCÉE
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Et ta chevelure jaillissait au soleil
Pendant que ta bouche rougissait vermeille
Ton nez éloquent toisait l’air vif sans pareil
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Et tes yeux brillants reflétaient le ciel
À ton front pendait une mèche rebelle
Tes pommettes en sang roulaient pêle-mêle
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Et ton rire se confondait à mon rire
Nos bras s’ouvraient pour que l’un à l’autre s’offrir
Ne soit plus sans paroles pour jamais mourir
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Et nous deux au soleil devant les étoiles
Dans l’Univers des solitudes banales
Nous dansions gaiement à notre premier bal
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Soudain le ciel s’ouvrait et le tonnerre
Et les éclairs et le déluge sur la Terre
La pluie noire d’encre et de sang amers
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
L’orage déchirait ce morceau de toile
Et froissait ta parure originale
Dans une orgie d’injures dites par des vestales
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Mais à mon réveil tu n’étais plus fiancée
Des humains en colère t’avaient frustrée
De mon vrai amour éternellement damné
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Sur la place publique ils m’ont mis aux fers
Vaine est ma supplique aux bourreaux de l’Enfer
Le rêve est permis quand on vit sous la terre
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Et ta chevelure jaillissait au soleil
Amoureux de vivre j’étais sans pareil
À boire à ta bouche le vin de la treille
Oui, j’ai rêvé que tu enlevais ton voile
Mais je marche dans le grand désert des humains
Couronne sur la tête une lyre à la main
Te délivre avec mon poème de vilain