Ce recueil, par sa com­po­si­tion, rend vis­i­ble les bar­reaux trans­ver­saux du temps à tra­vers visions et dépouille­ments. L’el­lipse tra­vaille à évider toute sub­jec­tiv­ité jusqu’à attein­dre la nervure du vers, ligne sail­lante de la tra­ver­sée. Elle prend nais­sance d’une manière som­bre par La mon­tée au cal­vaire, poème inau­gur­al qui fonde et fige dans un présent atem­porel, l’épreuve déci­sive d’un enfant foudroyé par le deuil. Les kinder­szene, pre­mière sec­tion du recueil, témoignent et traduisent sous la tristesse d’un vieil­lard d’un jeune garçon, stat­ue de sel accroupie, une longue catabase de l’e­sprit au roy­aume des morts.

Cette mort dévas­ta­trice n’en est pas moins une ini­ti­a­tion, qui par le feu de la colère et du retranche­ment, ouvre la voix d’une odyssée intérieure, brûlant peu à peu sur son pas­sage les scories des écarts comme de l’acédie. Des ten­sions au sein même du vers sont alors vis­i­bles, entre atti­rance vers une sen­su­al­ité qui cap­tive Cette femme — une belle âme ! / Pour une aubade à la gorge / me prend et une aspi­ra­tion à une terre intérieure dans les pas de Celui qui est le chemin. Mais la patience tenace, maintes fois présente dans le recueil, ain­si que l’in­va­sion de la langue Lame de fond hissée au tra­vers de la gorge / mag­ma de mots qui me décolle de la chair / me promet à la décol­la­tion per­met d’en­dur­er le temps et de s’y con­fron­ter. S’opère alors un mou­ve­ment inverse, ascen­sion­nel où le retour d’une vie absente dans la présence con­stitue l’an­abase. Un envoi, pièce ultime du recueil peut désor­mais ouvrir la clô­ture, apos­tro­phant tout dédi­cataire pour témoign­er de la vic­toire sur la mort.

Le poète dans un lien trans­mué sait avancer en aveu­gle avec pour clarté cette flamme intérieure / jail­lie d’une vieille tombe tou­jours chaude en terre froide.

 

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