1

 

Le vase qui tombe salue le sol
de ses fleurs et de son eau trouble,
le cer­cle de verre brisé
jonche le par­quet, où le coupable — 

chaque éclat crisse tout en cru­auté vernie -
s’est réfugié sous la garde-robe
bien que tou­jours à portée de l’eau, comme
chaque bruit est à portée du silence.

Un minus­cule éclat de verre explore l’entaille
& cherche un sem­blant d’âme au fond du doigt
Il ne s’en trou­ve aucun dans la veine limpide,
pas un seul & main­tenant n’est nulle part ;

mais il est trans­par­ent & par conséquent 
capa­ble de voir,
à tra­vers lui-même il con­tem­ple la douleur :
le lieu — une goutte de sang,
un angle mort à la sur­face du verre.

 

           2

Les branch­es som­bres déclar­ent forfait
le vent se referme sur lui-même ;
quelque chose en moi daignera-t-il
con­sign­er leur souvenir ?
Le vent a échoué — ici
il y a de l’air, des pier­res et des brindilles 
— que reste-t-il en eux ?
Tout ne saurait périr.

L’au­tomne gardera-t-il souvenir
de moi ? Quelle faculté
de mémoire est la sienne ?
Vent, rap­porte les branches.

Con­tin­ue ta route — laisse ici toute chose -
Je me sou­viendrai de toi :
offrant les ves­tiges des ultimes
rameaux du jour.

 

3.

 

Obli­quant sur le chemin, vers la musique,
nous nous enrôlerons avec la pluie,
faute de mieux :

salut chéri,                                                                  
ouvre la route -
ta demeure grandit
à cette réson­nance, où il n’y a personne.

Tu as beau­coup d’amis
qui, ayant entre­pris une dis­tante ambulation,
n’at­teignent pas leur destination.

Nous sommes passés dans la soirée, mais
sans trou­ver la porte :
finale­ment, il est apparu que c’é­tait toi.

La pluie se lèvera pour nous ;
Tu seras aus­si strict qu’un instru­ment de mesure
dans tes questions :

mais sans cacher les yeux humides,
l’eau sub­lime, nous lave
avec quelque chose qui tient de la solitude.

 

                 4

 

Un oiseau marche sur le toit du grenier,
sur les cor­nich­es, comme s’il était une main :
tap, tap, tap — permettez-moi
de frap­per, chaleureux et de concevoir…

De quoi ma main est-elle lourde, quand les plumes
des doigts et les pul­sa­tions des becs — les tiens ? — sont chauds
Le sang est-il en réal­ité aus­si vaste que le vol
en cette année qui a fondu ?

Ce mur­mure est celui de mon sang, de mon enfant non-né* :
C’est moi qui suis là sur le toit, et par­faite­ment satisfait
C’est mon choix de venir ain­si frap­per à ta porte
Toi qui n’es pas ma destinée.

 

 

Tra­duc­tion : Eric Boury

 

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