La banal­ité ? un tru­isme. Et une dif­fi­cile déf­i­ni­tion : où la trou­ver ? Elle nous entoure, forme la trame du quo­ti­di­en – et pour­tant elle est en con­stante méta­mor­phose : c’est que le monde a bien changé, depuis que les villes ont été chan­tées par Baude­laire, Ver­haeren, ou Prévert… Les représen­ta­tions du tra­vail ou de la moder­nité n’ont plus rien à voir avec le monde de Maïakovs­ki ou des futur­istes… L’u­sine fait désor­mais par­tie des mythes du passé, comme la Machine, rem­placés par l’open-space, le télé­tra­vail, les univers numériques et les déplace­ments d’un monde glob­al­isé… 

© mar­i­lyne bertoncini

La banal­ité, aujour­d’hui, c’est aus­si celle d’une muta­tion accélérée des modes de vie et de com­porte­ment, puisque nous sommes pris dans le flux des crises (économique, écologique, san­i­taire…) et des cat­a­stro­phes, dans une nou­velle banal­ité qui nous pré­cip­ite vers l’in­con­nu, affec­tant tous nos com­porte­ments : une sit­u­a­tion inédite et d’une rare vio­lence, que la poésie ne peut ignor­er.  

Inter­roger des poètes sur ce qu’elle représente pour eux, dans leur vie, leurs lec­tures, leur pra­tique d’écri­t­ure… De quelle manière, indi­vidu­elle­ment, cha­cun “bricole”-t-il avec ce quo­ti­di­en mutant, dont on finit par ne plus percevoir l’in­souten­able étrangeté — et par­al­lèle­ment, com­ment, à tra­vers la poésie, redonner à la trame du réel son poids d’émerveillement. 

Voilà le pro­jet du dossier que nous vous pro­posons : Serge Pri­oul y a répon­du avec un hom­mage au poète-tra­­vailleur Thier­ry Metz,  ill­lus­tré de ses pro­pres pho­tos de tra­vailleurs du Baroso, mais égale­ment avec ses poèmes  

Le regret­té Gil Joua­nard nous avait égale­ment con­fié sa réflex­ion sur banal et orig­i­nal, peu avant sa dis­pari­tion,  Flo­rence Saint-Roch inter­roge divers aspects de la banal­ité urbaine à tra­vers Jejuri du poète indi­en Arun Kolatkar, et Dominique Boudou — dont on peut lire ici  les poèmes sur l’écri­t­ure des arbres  illus­trés de pho­tos de Cédric Mer­land — pro­pose un regard décalé et futur­iste sur la banal­ité revis­itée par les drones , 

Car­ole Mes­ro­bian s’en­tre­tient avec Marc Tison à pro­pos de son enreg­istrement, avec Marc Bernard et Jean-Jacques Tachd­jian, d’un 33 tours vinyle, orig­i­nale banal­ité d’une autre époque, à tra­vers laque­lle ten­ter de cern­er ce qui, de la banal­ité de notre quo­ti­di­en, a été enseveli sous les habi­tudes. C’est en ce sens égale­ment qu’elle  inter­roge Dominique Sampiero (dont une sélec­tion de poèmes inédits fig­ure aus­si à ce som­maire)  à pro­pos de Let­tre de verre, travail/recherche autour d’un matéri­au banal, usuel, utile, sa trans­parence se dou­ble d’invisibilité.  

Enfin, en cette année du bicen­te­naire de la nais­sance du poète, en par­al­lèle de l’hom­mage ren­du par des poètes et artistes au tra­duc­teur autant qu’à l’au­teur des Fleurs du Mal et des Poèmes en prose durant le mois d’avril pour le Jeu­di des Mots, qu’elle ani­me, Mar­i­lyne Bertonci­ni inter­roge la fig­ure iconique de Baude­laire, et son rap­port à la fois à la con­tem­po­ranéité et au banal, décrié dans ses arti­cles sur la pein­ture, poussé à l’ex­cès dans ses descrip­tions de la ville… 

Au som­maire égale­ment selon l’habi­tude d’ou­ver­ture de la revue aux lit­téra­tures étrangères et aux langues et tra­duc­tions, un arti­cle de Clé­ment Riot sur l’édi­tion bilingue et en livre audio du célèbre « Platero y yo » de Juan Ramon Jiménez ,  ain­si que six poèmes de Nina Koss­man, poète russe vivant aux Etats-Unis, présen­tée par Isabelle Macor, la con­tri­bu­tion régulière de Béa­trice Machet sur la poésie Native améri­caine, avec un arti­cle sur Alexan­der Lawrence Posey les désor­mais régulières chroniques musi­cales de Rémy Soual (ce numéro 3 con­sacré à Bertrand Can­tat et Noir Désir)  et le numéro 42 de la Chronique du veilleur de Gérard Bocholi­er con­sacrée à Jean-Marc Sour­dil­lon 

Par­mi les poètes encore, San­dra Lil­lo, Tomasz Cichawa, Ade­line Bal­dacchi­no, Joep Pol­d­er­man, Jüri Tal­vet, Gréro­ry Rateau,Géry Lamarre, et Jean-Charles Veg­liante dont les poèmes inter­ro­gent “une espèce de quo­ti­di­en”. 

Sans oubli­er la nou­velle livrai­son des quin­zaine des revues et des cri­tiques.