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Andrea Moorhead, IMAGES PERDUES

Comment parler à la Terre, évoque sa lutte contre la diminution, le déchirement, la disparition qui rendront toute vie méconnaissable ? Nous glissons vers les trous noirs des désastres planétaires dont il n'y a aucune certitude de continuation. Dans ces cinq poèmes je parle à la Terre, ma sœur, ma compagne, mon autre, miroir et reflet, mirage et mystère insondable. Toutes les légendes de naissance et de perte, de douleur et de joie se confondent dans notre échange. Nous sommes de la même matière, de la même nuit, de la même aube. Notre sang se fait parole et silence, attente et affirmation.

Tentations ou Images perdues

 Le velours de tes mots, le sang qui te couvre

comme une neige rouge sans fin

des flocons le long de tes bras

ton ventre rose en fleurs,

quand je te parle tu ne bouges pas

tu respires la lune et la poussière des étoiles

perdue sous la blancheur sans limites

tes voyages s’accélèrent

tes paupières lisses ne répondent

qu’à la douceur de l’aube

et la présence d’un hiver éternel.

∗∗∗

La topaze de ton cœur si fragile

brille parmi la paille et la cendre

elle absorbe les rayons du soleil

mêlant sang et hydrogène

et le son de ton nom

si délicatement prononcé

au soir de ta mort

lentement doucement

presque sans respirer.

∗∗∗

Un feu au centre des pierres

des cicatrices, des fuites

dans la mémoire

de nos conversations,

la peau ne connaît que la surface

de la parole, le frémissement

entre les mots,

flammes vertes de mémoire

flammes d’acier et de charbon

au moment où tu entres dans le feu

encore crépitant

les braises collées aux lèvres.

∗∗∗

Leur lumière de pierre et d'oxygène

 Visage qui tremble en regardant

ce qui n'est plus

ce qui frétille dans l'eau,

visage qui se détourne

en sentant le feu des nuages

le frémissement de ta voix

quand tu sors des ténèbres

un bâton de neige et de glace

entre tes mains,

des flammes des dents des pas

leur lumière de pierre et d'oxygène

heurte contre ma poitrine

quand j'essaie de comprendre

ce qui n'est plus

ce qui se noie sans tourment.

∗∗∗

L'hydrogène de ton sang

Tu passes à travers

les parois poreuses,

tu ne connais que les mots invisibles

des mourants et des nouveau-nés

des tripes et des veines soyeuses,

tu passes par les flammes de certains métaux

aux risques de perdre ta connectivité

ton lien précieux avec l'oxygène

léger et incolore

comme la conscience éblouie

au seuil de la naissance.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Andrea Moorhead

Andrea Moorhead est directrice de la revue internationale Osiris qui vient de célébrer cinquante ans de poésie. Elle a publié plusieurs recueils de poèmes dont Présence de la terre aux Écrits des Forges, À l’ombre de ta voix aux Éditions du Noroît, Fukushima Dreams au Finishing Line Press et Tracing the Distance au Bitter Oleander Press. Photographe amatrice et naturaliste passionnée, elle a fait paraître ses photographies dans de nombreux livres à Anterem Edizioni en Italie ainsi que dans les revues littéraires Ce qui reste, Possibles et The January Review.

 

© photo Isabelle Poinloup

Bibliographie

En anglais :

Iris, 1970, poems, privately printed
Morganstall, 1971, poems, Fiddlehead Poetry Books, New Brunswick, Canada
Black Rain, 1975, poems, privately printed
The Snows of Troy, 1988, poems, Osiris
Winter Light, 1994, prose, Oasis Books, London, England
From A Grove Of Aspen, 1997, poems, University of Salzburg Press
The Open Gate: Four Deerfield Poets, 1999, anthology, pages 109-139, Deerfield Academy Press
Deerfield 1797-1997: A Pictorial History of the Academy, 1997, with Robert Moorhead, Deerfield
Academy Press
The Hearth, 2003, prose, Deerfield Academy Press
The Carver’s Dream, poems, 2018, Red Dragonfly Press
Tracing the Distance, poems, 2022, The Bitter Oleander Press
Fukushima Dreams, poems, 2022, Finishing Line Press
The Magician's Tales, poems, forthcoming 2024, MadHat Press
En français :
Entre nous la neige, correspondance québécaméricaine, 1986, Les Écrits des Forges, Québec
Niagara, 1988, poèmes, Écrits des Forges, Québec
Le silence nous entoure, 1991, poèmes, Écrits des Forges
La blancheur absolue, 1995, poèmes, Écrits des Forges/Autres Temps, Québec/France
Le vert est fragile, 1999, poèmes, Écrits des Forges/Autres Temps
Présence de la terre, 2004, poèmes, Écrits des Forges
La déchirure des mots: poèmes choisis de Jean Chapdelaine Gagnon, 2007, Éditions du Noroît
De loin, 2010, poèmes, Éditions du Noroît
Terres de mémoire, 2012, poèmes, Éditions de l'Atlantique
Sans miroir, 2013, poèmes, Encres Vives
Géocide, 2013, poèmes, Éditions du Noroît
À l’ombre de ta voix, 2017, poèmes, Éditions du Noroît

 

Traductions :

The Edges of Light, selected poems of Hélène Dorion, 1995, Guernica Editions, Toronto
The Caverns of History, poetic suite by Hélène Dorion, 1996, Éditions en Forêt/Verlag Im Wald,
Germany
Do Not Disclose This Word, poetic suite by Jean Chapdelaine Gagnon, 1997, Spectacular Diseases,
England
Updates, poems by Françoise Han, 1999, 10 folios, 3-lingual, Éditions en Forêt/ Verlag Im Wald
Bridges, Dust, poetic suite by Hélène Dorion, 2000, Éditions en Forêt/Verlag Im Wald
Night Watch, poetic suite by Abderrahmane Djelfaoui, Red Dragonfly Press, 2009
Stone Dream, poems by Madeleine Gagnon, Guernica Editions, Toronto, Canada, 2010
Dark Menagerie, poems by Élise Turcotte, Guernica Editions, Toronto, Canada, 2013
The Red Bird, poems by Marie-Christine Masset, Oxybia Éditions, Grasse, France, 2020