La poésie de Jacques Viallebes­set est de celles dont nous affir­mons qu’elle est « des pro­fondeurs », poésie ten­due vers l’étoile, toute en res­pi­ra­tion, à cha­cun des instants du réel, entre le haut et le bas – et récipro­que­ment. Par delà les voiles du réel, vers et par l’étoile, en même temps que sous son regard. C’est de voy­age dont nous par­lons ici, et quel voy­age ! Oui, quel voy­age que cette péré­gri­na­tion superbe­ment « illus­trée » par le dessin de cou­ver­ture de Diane de Bour­nazel : le poète / végé­tal flot­tant dans le vide des univers végé­taux, entouré et chem­i­nant vers l’étoile. Nous défendons la poésie de Jacques Viallebes­set depuis le pre­mier jour ou le pre­mier recueil, et nous pen­sons que le poète est de ceux qui posent l’un de ces regards en recours (au Poème) dont le con­tem­po­rain a aujourd’hui grand besoin. C’est de ce réel là, véri­ta­ble poésie con­crète, tant elle dévoile le réel du réel, dont nous avons véri­ta­ble­ment besoin, et non des petits jeux de mots et autres tristes magouilles à la mode. La poésie est un état de l’être, pas du tourisme ver­bal. En poésie, on fait le Poème. Et l’on est fait par lui. C’est d’édification de l’être dont il s’agit. Le reste… du blabla. On se demande alors ce qui pousse Viallebes­set à plac­er sa poésie sous « l’étoile de Giono » ? Car l’étoile, tout de même, ce n’est pas rien en ter­mes de sym­bole ! Alors… Giono ? Le poète est un trans­par­ent qui cite Giono d’emblée, les choses sont alors fort claires :

« Si, quand tu seras un homme, tu con­nais ces deux choses : la poésie et la sci­ence d’éteindre les plaies, alors tu seras un homme » (Jean Giono).

N’est-ce pas ? Et ici, en Recours au Poème, com­ment ne pas être en accord avec cette vision des mon­des, celle-là même que défend en sa poésie le poète Jacques Viallebes­set ? Et com­ment ne pas penser à cette autre phrase, d’un très vieil homme/poète ayant tra­ver­sé le siè­cle passé et ses hor­reurs, vieil homme pour lequel nous avons tant d’affection, n’en déplaise aux imbé­ciles illet­trés qui parais­sent se repro­duire (étrange­ment) dans le milieu de la poésie : « Nous sommes tous nés de l’agonie de l’étoile. Des naufragés du temps et de l’espace. Et seul le verbe peut nous aider à retrou­ver l’éclat défunt de cette étoile ». Armand Gat­ti. Autre grand poète, autre grand bon­homme dont nous repar­lerons bien­tôt du côté de Recours au Poème édi­teurs, ce lieu où nous allons rééditer sa « poésie de l’étoile » (mer­ci aux amis Faber, Gonot et Can­tat) ; l’étoile, juste­ment. Celle des anar­chistes aris­to­crates : car toute anar­chie est une aris­to­cratie, un lieu de cheva­lerie, et seuls ceux qui ont oublié d’ouvrir un livre (numérique, papi­er ou sur peau de banane, peu importe) depuis des décen­nies peu­vent ignor­er cela. Il n’est pas de lib­erté sans état de l’être aris­to­cra­tique. On lira « noblesse » quand nous écrivons « aris­to­cratie », qu’importe… Ici, nous n’avons pas voca­tion à soign­er des névros­es. Il y a des lieux authen­tiques pour les révo­lu­tions, et ces lieux sont ceux de l’authentique poésie, des poètes authen­tiques. C’est pourquoi nous aimons l’étoile de Gat­ti autant que celles de Viallebes­set et de Giono. L’étoile des poètes authen­tiques est sim­ple­ment cette étoile qui vit en ces poètes, qu’on lui donne le nom d’âme ou de vie qu’importe ! Et qu’importent les petites con­jec­tures et petits égos du quo­ti­di­en devant la poésie et l’étoile ! Car, écrit Viallebes­set en avant-dire :

 

« Ado­les­cent, j’ai été fasciné par des repro­duc­tions de la série de tapis­series de Jean Lurçat, Le chant du monde, dénichées je ne sais où. C’était toute une cos­mogo­nie fan­tas­tique, une véri­ta­ble sym­phonie de l’univers, où la terre, le feu, l’air et l’eau dia­loguaient avec les étoiles dans un chant de couleurs, où la vie tout entière vibrait de mille tach­es d’or et le titre, à lui seul, me trans­portait. Lorsque je décou­vris à la devan­ture d’un libraire un livre por­tant ce titre, je l’achetai aus­sitôt. J’ouvris les pre­mières pages et je sus, tout de suite, que « le pays où l’on n’arrive jamais » exis­tait, à portée de main et du regard. Il était là, dans ces pages à la langue drue, à l’écriture trem­pée dans la sève des arbres, dans les gouttes de rosée d’un brin d’herbe, peu­plé de per­son­nages forts, purs, pétris d’idéal. Je m’identifiai très vite à ces hommes vagabonds, saltim­ban­ques et artistes qui arpen­taient ce pays devenu mien. Jean Giono a été pour moi ce que Bobi est pour les per­son­nages de Que ma joie demeure, un pro­fesseur d’espérance. Ses mots n’ont pas seule­ment struc­turé mon imag­i­naire, ils ont effec­tué en moi oeu­vre alchim­ique en me transmutant. »

L’état de l’esprit poé­tique, cela se joue dans cet état de l’esprit là. Est-ce si com­pliqué à… com­pren­dre ? Non, sans aucun doute : cela demande sim­ple­ment d’être véri­ta­ble­ment et non fac­tice­ment ouvert à l’autre. Et cet état de l’esprit, eh bien !, cela donne ce poète là, que voulez vous :

 

J’aurais voulu être celui-là qui vient
Por­teur d’une joie d’être à partager
Avec tous les humains qui saignent
De leurs rêves lourds d’espoirs blessés
Je porte en moi les sucs de la terre
La danse de flamme du sang au cœur
Ma poitrine se gon­fle du vent des astres
J’halète de la sève de tout ce qui vibre
Frémit pal­pite et vit au rythme des saisons

Je voudrais être celui-là qui vient
Un arc-en-ciel doux dans les tempêtes
Un mag­ma de joie monte de mon ventre
Je t’ai retrou­vée et te tresse dans mes bras
Tes yeux font chanter toutes les sources
La joie est là bruis­sant dans ton feuillage
Bour­geon ten­dre gorgé de résine vivante
Tu es en moi comme le noy­au dans son fruit
Ma joie ne demeur­era  que si elle est tienne. 

 

Jacques Viallebes­set, vous êtes des nôtres. Car vous êtes ce poète au corps empli de l’étoile, celle-là même qui agis­sait un Giono. Comme elle agis­sait un Char ou un Juar­roz. Or, les étoiles dansent, nous le savons bien, nous, qui les regar­dons sans cesse, et les dessins de Diane de Bour­nazel le mon­trent assez. Eh bien… poètes et lecteurs de poèmes : entrons dans la danse de ce beau recueil !

 

 

 

 

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