Marilou Awiakta
Poète, conteuse, essayiste, Marilou Awiakta est connue internationalement pour unir ses héritages Cherokee et Appalachien à la tradition scientifique occidentale, la recherche atomique, et pour en faire un support de son oeuvre qui tend à créer le respect pour la diversité. Née à Knoxville, ses parents s’installèrent à Oak Ridge dans le centre fédéral de recherche atomique appelé “la ville secrète.” Elle y grandit entre 1945 et 1957. Puis, après des études d’anglais et de français à l’Université de Tennessee à Knoxville, elle fut officier de liaison civile et traductrice à la base aérienne Couvron de Laon de 1964 à 1967, avant de s’établir définitivement à Memphis avec son mari et ses enfants.
Ses oeuvres comprennent de nombreux articles et poèmes publiés en revues et anthologisés de nombreuses fois. Elle a reçu en 1999 un doctorat honoris causa de Albion College (Michigan) et participé à plusieurs projets pour la protection de l’environnement, notamment un film sur l’histoire du Tennessee Valley Authority (2008), et le programme “Selu Conservancy” à l’Université de Radford en Virginie. Ses ouvrages sont au programme de nombreuses universités. De l’Alaska en Virginie, du Massachussets à la Géorgie, du Nouveau Mexique à la West Virginia, sans oublier le Tennessee, elle parle inlassablement de thèmes écologiques et du respect pour les réseaux et résonnances qui se tissent entre les communautés humaines et la nature. Elle a publié trois livres: Rising Fawn and the Fire Mystery [Rising Fawn et le mystère du feu], une nouvelle sur la déportation des Choctaw en 1833; Abiding Appalachia: Where Mountain and Atom Meet [En Appalachie: où la montagne rencontre l’atome], un recueil de poèmes sur sa jeunesse à Oak Ridge à l’âge du Projet Manhattan; et son oeuvre maîtresse, Selu: Seeking the Corn Mother’s Wisdom, [Selu: En cherchant la sagesse de grand-mère maïs], qui traite de la force vitale incarnée dans Selu. Cet ouvrage est toujours disponible depuis sa première publication en 1993 et a reçu de nombreuses distinction (choisi comme Quality Paperback Book Club Selection en 1994, avec la version audio du livre nommée pour un prix Grammy en 1995. Depuis, une phrase du livre est gravée au Capitole du Bicentennaire à Nashville, et un poème est inscrit sur l’allée des Arts de l’University of California at Riverside. Ses poèmes ont paru précédemment en français dans le journal belge Le Journal des Poètes et la revue française Poésie Première. Elle a reçu de nombreuses distinctions, dont le Jesse Hill Ford Award for Poetry en 1972; puis elle fut reconnue par la National Organization for Women en 1983. Ensuite, une rapide succession de distinctions tant pour son oeuvre que pour ses contributions au développement culturel des Appalaches: en 1986, Abiding Appalachia and Rising Fawn and the Fire Mystery ont été sélectionnés par l’USIA pour représenter la littérature américaine dans une tournée mondiale, et, en 1988, l’association Memphis Women of Achievement lui décerna son Woman of Vision Award. En 1989, elle reçut le Distinguished Tennessee Writer Award et en 1991ses contributions à la littérature des Appalaches furent reconnues par l’Appalachian Writers’ Association. En 1999, Northeastern University lui décerna l’Award for Service to American Indian People et Carson-Newman l’Award for Educational Service to Appalachia. Enfin, en 2000, Shepherd College lui décerna l’Appalachian Heritage Writer’s Award.
Poèmes occasionnels, poèmes de circonstances, tous ces poèmes ouvrent une vaste perspective et posent des questions importantes sur l’avenir de l’humanité, questions éthiques essentielles à la survie de l’homme sur notre planète terre. Dans le choix que nous présentons ici, Awiakta, poète engagée qui se bat pour la justice économique et l’égalité ethnique, nous donne le meilleur de son oeuvre. Plus encore, ces poèmes montrent les femmes dans des rôles divers, mais toujours essentiels, car elles se battent pour redéfinir leur position dans la société, pour changer des systèmes aveugles, pour affirmer leur sexualité, et pour assurer la survie de l’espèce humaine. Tous ces poèmes sont un appel au courage. Ils montrent la femme en tant que force vitale, épouse ordinaire, visionnaire, militante pour la paix, femme d’affaires, et rebelle. Les circonstances dans lesquelles ces poèmes ont été écrits, leur “généalogie,” pourrait-on dire, est importante. Ce sont des poèmes credos sur des modes d’expression divers; toutefois, tous visent un problème contre lequel ils se battent, que ce soit la guerre, l’indifférence bureaucratique, la jalousie, l’oubli du rôle des femmes, le gâchis industriel, l’étroitesse culturelle, ou le consumérisme touristique. Ces poèmes sont porteurs d’une leçon profonde de respect envers autrui et envers la nature. En ceci, Awiakta effectue une révolution en douceur, prêchant la recherche d’harmonie et de respect dans un équilibre cosmique, à travers un réseau de vie qui reflète les lois sacrées du Créateur. Cette disposition propre à la tradition Cherokee, nous enseigne que le vrai courage n’est pas de détruire, mais de construire, avec “cette ferme démarche de mon esprit / qui cherche l’unité / dans la force et dans la paix” (“Une Indienne marche en moi”).
“Un bienfait n’est jamais perdu” s’inspire des contes de Charles Perrault, dont Awiakta étudia au lycée Cendrillon. Ce poème montre bien comment la femme militante dépend de la femme soumise; la mise en scène de la “bonne” et de la “mauvaise” soeur montre clairement les rôles passif et actif de la femme – rôles opposés, indivisibles, et complémentaires, mais séparés artificiellement par les conventions sociales.“Oubliettes électroniques” montre un autre aspect de la confrontation entre tradition et modernité, entre l’individu et la machine. Il a été écrit à partir d’un fait divers dans le journal de Memphis. La femme dont le mari est rayé de la liste électronique des prisonniers est militante et victime, tout comme l’héroïne de “De l’authentique.” Ce poème est, dans la tradition amérindienne orale, composé à partir de bribes de conversation entendues dans un magasin pour touristes, et montre les dangers de la société de masse, consumériste. “Avis de licenciement” montre Mère Nature en femme dirigeante qui utilise le language d’affaires; ce poème est une réponse au matérialisme aveugle du monde des affaires et traite de la survie de l’espèce humaine, menacée par l’aveuglement et la négligence des gens. Ce poème ironique, mode d’humour favori des Cherokee, s’est élaboré au cours de nombreuses années, en réponse aux catastrophes nucléaires et écologiques de la fin du 20ème siècle. Avec “Vision d’étoile” nous entrons dans le domaine cosmique: le rapport entre l’infiniment petit (le photon issu de la fission atomique) et l’infiniment grand — l’infini temporel et spatial. Ce poème met également en rapport de façon spectaculaire deux cultures très différentes: la vision Cherokee de l’univers et la fission atomique de la science occidentale. “Requiem” fut écrit devant les champs de bataille de Verdun, après que Awiakta eut entendu les récits de guerre des femmes des environs de Laon. Alors que chaque village français a ses monuments aux morts, les activités des femmes pendant l’invasion et l’occupation nazie avaient pour but de défendre leur famille et leur communauté, tâche essentielle à la survie de leurs villages, mais qui attend toujours d’être reconnue. Dans cette région trois fois envahie par les Allemands en trois-quarts de siècle, les femmes affirment la vie malgré les charniers de la Grande Guerre et les atrocités de la Seconde Guerre Mondiale. La brièveté de ce court poème le rend d’autant plus intensément poignant. “Des cendres naîtra la paix” fut écrit pour un mémorial aux victimes d’Hiroshima élevé à Memphis par la Conférence nationale de chrétiens et juifs pour le 40ème anniversaire de ce drame. Awiakta le lut en 1985 à l’endroit où Martin Luther King, Jr., tomba sous les balles d’un assassin au Lorraine Motel, à Memphis. Puis le poème fit le tour du monde sur le Bateau-Lyre qui partit du Havre en 1986 en portant une mission de paix. Enfin, en 1998, il fut choisi par le chef de la nation Cherokee pour son inauguration, car il représente le phoenix qui renaît de ses cendres; cet oiseau mythologique est l’un des symboles de la nation Cherokee.
Les poèmes “Out of Ashes Peace Will Rise,” “The Real Thing,” and “Mother Nature Sends a Pink Slip” sont reproduits avec la gracieuse permission des Editions Fulcrum, qui ont publié Selu: Seeking the Corn Mother’s Wisdom. Le poème “Star Vision” a paru dans Abiding Appalachia: Where Mountain and Atom Meet et est reproduit avec la gracieuse permission de l’auteur, ainsi que les trois poèmes inédits, “Goodness is its Own Heart,” “Computer Oubliette,” and “Requiem.”
- Shizue Ogawa, ambassadrice mondiale de la poésie japonaise - 6 septembre 2024
- Nohad Salameh, Jardin sans terre - 6 septembre 2024
- Carole Carcillo Mesrobian, L’ourlet des murs - 28 octobre 2023
- Dans la lignée de Wisława Szymborska ? Une nouvelle voix de la poésie polonaise - 6 juillet 2023
- Stanley Kunitz, virtuose du langage - 3 novembre 2022
- Dans la lignée de Wisława Szymborska ? Une nouvelle voix de la poésie polonaise - 1 septembre 2022
- La valise poétique de Piotr Florczyk - 1 novembre 2021
- In Memoriam : Adam Zagajewski (1945–2021) - 6 septembre 2021
- Introduction à l’œuvre de Lee Maracle - 5 janvier 2020
- Marzanna Bogumila Kielar - 4 juin 2019
- Shizue Ogawa, réflexions sur le temps - 5 novembre 2018
- Hommage à Jean Metellus - 5 juillet 2018
- La poésie de Wittlin - 21 juin 2015
- La poésie de Christopher Okemwa - 15 septembre 2014
- La poésie d’Awiakta - 20 juillet 2014
- La poésie d’Awiakta - 29 juin 2014
- Poèmes de Marilou Awiakta choisis et traduits par Alice-Catherine Carls - 29 juin 2014