Andrea Moorhead, IMAGES PERDUES

Par |2024-03-06T16:30:47+01:00 6 mars 2024|Catégories : Andrea Moorhead, Essais & Chroniques|

Com­ment par­ler à la Terre, évoque sa lutte con­tre la diminu­tion, le déchire­ment, la dis­pari­tion qui ren­dront toute vie mécon­naiss­able ? Nous glis­sons vers les trous noirs des désas­tres plané­taires dont il n’y a aucune cer­ti­tude de con­tin­u­a­tion. Dans ces cinq poèmes je par­le à la Terre, ma sœur, ma com­pagne, mon autre, miroir et reflet, mirage et mys­tère insond­able. Toutes les légen­des de nais­sance et de perte, de douleur et de joie se con­fondent dans notre échange. Nous sommes de la même matière, de la même nuit, de la même aube. Notre sang se fait parole et silence, attente et affirmation.

Tentations ou Images perdues

 Le velours de tes mots, le sang qui te couvre

comme une neige rouge sans fin

des flo­cons le long de tes bras 

ton ven­tre rose en fleurs,

quand je te par­le tu ne bouges pas

tu respires la lune et la pous­sière des étoiles

per­due sous la blancheur sans limites

tes voy­ages s’accélèrent

tes paupières liss­es ne répondent

qu’à la douceur de l’aube

et la présence d’un hiv­er éternel.

∗∗∗

La topaze de ton cœur si fragile

brille par­mi la paille et la cendre

elle absorbe les rayons du soleil

mêlant sang et hydrogène

et le son de ton nom

si déli­cate­ment prononcé

au soir de ta mort

lente­ment doucement

presque sans respirer.

∗∗∗

Un feu au cen­tre des pierres

des cica­tri­ces, des fuites

dans la mémoire

de nos conversations,

la peau ne con­naît que la surface

de la parole, le frémissement

entre les mots,

flammes vertes de mémoire

flammes d’acier et de charbon

au moment où tu entres dans le feu

encore crépi­tant

les brais­es col­lées aux lèvres.

∗∗∗

Leur lumière de pierre et d’oxygène

 Vis­age qui trem­ble en regardant

ce qui n’est plus

ce qui frétille dans l’eau,

vis­age qui se détourne

en sen­tant le feu des nuages

le frémisse­ment de ta voix

quand tu sors des ténèbres

un bâton de neige et de glace

entre tes mains,

des flammes des dents des pas 

leur lumière de pierre et d’oxygène

heurte con­tre ma poitrine

quand j’es­saie de comprendre

ce qui n’est plus

ce qui se noie sans tourment.

∗∗∗

L’hy­drogène de ton sang

Tu pass­es à travers

les parois poreuses,

tu ne con­nais que les mots invisibles

des mourants et des nouveau-nés

des tripes et des veines soyeuses,

tu pass­es par les flammes de cer­tains métaux

aux risques de per­dre ta connectivité

ton lien pré­cieux avec l’oxygène

léger et incolore

comme la con­science éblouie

au seuil de la naissance.

 

 

 

Présentation de l’auteur

Andrea Moorhead

Andrea Moor­head est direc­trice de la revue inter­na­tionale Osiris qui vient de célébr­er cinquante ans de poésie. Elle a pub­lié plusieurs recueils de poèmes dont Présence de la terre aux Écrits des Forges, À l’ombre de ta voix aux Édi­tions du Noroît, Fukushi­ma Dreams au Fin­ish­ing Line Press et Trac­ing the Dis­tance au Bit­ter Ole­an­der Press. Pho­tographe ama­trice et nat­u­ral­iste pas­sion­née, elle a fait paraître ses pho­togra­phies dans de nom­breux livres à Anterem Edi­zioni en Ital­ie ain­si que dans les revues lit­téraires Ce qui reste, Pos­si­bles et The Jan­u­ary Review.

 

© photo Isabelle Poinloup

Bibliographie

En anglais :

Iris, 1970, poems, pri­vate­ly printed
Mor­ganstall, 1971, poems, Fid­dle­head Poet­ry Books, New Brunswick, Canada
Black Rain, 1975, poems, pri­vate­ly printed
The Snows of Troy, 1988, poems, Osiris
Win­ter Light, 1994, prose, Oasis Books, Lon­don, England
From A Grove Of Aspen, 1997, poems, Uni­ver­si­ty of Salzburg Press
The Open Gate: Four Deer­field Poets, 1999, anthol­o­gy, pages 109–139, Deer­field Acad­e­my Press
Deer­field 1797–1997: A Pic­to­r­i­al His­to­ry of the Acad­e­my, 1997, with Robert Moor­head, Deerfield
Acad­e­my Press
The Hearth, 2003, prose, Deer­field Acad­e­my Press
The Carver’s Dream, poems, 2018, Red Drag­on­fly Press
Trac­ing the Dis­tance, poems, 2022, The Bit­ter Ole­an­der Press
Fukushi­ma Dreams, poems, 2022, Fin­ish­ing Line Press
The Magician's Tales, poems, forth­com­ing 2024, Mad­Hat Press
En français :
Entre nous la neige, cor­re­spon­dance québé­caméri­caine, 1986, Les Écrits des Forges, Québec
Nia­gara, 1988, poèmes, Écrits des Forges, Québec
Le silence nous entoure, 1991, poèmes, Écrits des Forges
La blancheur absolue, 1995, poèmes, Écrits des Forges/Autres Temps, Québec/France
Le vert est frag­ile, 1999, poèmes, Écrits des Forges/Autres Temps
Présence de la terre, 2004, poèmes, Écrits des Forges
La déchirure des mots: poèmes choi­sis de Jean Chapde­laine Gagnon, 2007, Édi­tions du Noroît
De loin, 2010, poèmes, Édi­tions du Noroît
Ter­res de mémoire, 2012, poèmes, Édi­tions de l'Atlantique
Sans miroir, 2013, poèmes, Encres Vives
Géo­cide, 2013, poèmes, Édi­tions du Noroît
À l’ombre de ta voix, 2017, poèmes, Édi­tions du Noroît

 

Tra­duc­tions :

The Edges of Light, select­ed poems of Hélène Dori­on, 1995, Guer­ni­ca Edi­tions, Toronto
The Cav­erns of His­to­ry, poet­ic suite by Hélène Dori­on, 1996, Édi­tions en Forêt/Verlag Im Wald,
Germany
Do Not Dis­close This Word, poet­ic suite by Jean Chapde­laine Gagnon, 1997, Spec­tac­u­lar Diseases,
England
Updates, poems by Françoise Han, 1999, 10 folios, 3‑lingual, Édi­tions en Forêt/ Ver­lag Im Wald
Bridges, Dust, poet­ic suite by Hélène Dori­on, 2000, Édi­tions en Forêt/Verlag Im Wald
Night Watch, poet­ic suite by Abder­rah­mane Djelfaoui, Red Drag­on­fly Press, 2009
Stone Dream, poems by Madeleine Gagnon, Guer­ni­ca Edi­tions, Toron­to, Cana­da, 2010
Dark Menagerie, poems by Élise Tur­cotte, Guer­ni­ca Edi­tions, Toron­to, Cana­da, 2013
The Red Bird, poems by Marie-Chris­­tine Mas­set, Oxy­bia Édi­tions, Grasse, France, 2020

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