Dans la mêlée des étoiles : entretien avec Claude Gobet

Par |2024-05-06T17:03:16+02:00 6 mai 2024|Catégories : Claude Gobet, Essais & Chroniques|

Ce recueil se présente comme une longue let­tre adressée au père dis­paru, un long poème inin­ter­rompu, écrit d’un seul souffle.

Claude Gob­et « revient sur les lieux », comme on dit. Dans une écri­t­ure poé­tique inci­sive, con­crète et sans com­plai­sance aucune, il ré-ouvre les forces puis­santes de l’indicible, celles qui écrasent, figent et éteignent toute vital­ité.  Il refait le chemin, pour met­tre à vif la blessure, en affron­ter les ombres, de façon cen­trale l’ombre du père. Aveux dif­fi­ciles et déchi­rants, d’une pro­fonde sincérité, qui lais­sent fil­tr­er la lumière d’une espérance, d’une créa­tion de soi qui m’a pro­fondé­ment touchée.

Ce recueil sem­ble avoir été écrit d’une seule phrase, avec fougue, comme un cri.  Pour­tant il est d’une grande pudeur. Il respecte la mémoire de la fig­ure du père, et d’ailleurs de cha­cun des êtres que tu évo­ques, les plus « anciens » et les plus actuels.  Tu as réus­si à te dégager de toute accu­sa­tion, ou pire encore de ce qui aurait pu pren­dre la forme d’un règle­ment de compte. Dans le tout pre­mier poème, un poème fort que tu appelles « Pater Nos­ter », la ten­dresse, et même une cer­taine forme d’admiration se mêlent à une pro­fonde douleur. 
Cela m’amène à te deman­der dans quel état d’esprit tu t’es mis au tra­vail de l’écriture de ce recueil ?
C’est vrai Chris­tine, ce recueil est né d’un seul et même élan d’écriture. Je l’ai achevé en quelques semaines durant lesquelles j’étais, pour ain­si dire, en état d’urgence. Une urgence d’écriture pour nom­mer les vio­lences subies durant mon enfance et ten­ter de bris­er les chaînes de leur emprise sur mon exis­tence. Et dans le même mou­ve­ment, une urgence à don­ner sens à mon his­toire per­son­nelle en l’inscrivant dans un réc­it plus général, trans­généra­tionnel, seul à même, selon moi, d’éclairer « Le Mal des fan­tômes » (titre de l’admirable recueil du poète roumain mort en dépor­ta­tion, Ben­jamin Fon­dane) dont je souf­frais inten­sé­ment. Je pense que cette mise à dis­tance m’a per­mis de ne pas tomber dans la facil­ité d’un face à face avec mon père, qui m’aurait cer­taine­ment con­duit à un règle­ment de compte dont seule la colère et la haine auraient tri­om­phé, et d’élargir le champ d’écriture à d’autres fig­ures passées et présentes de mon his­toire personnelle.

Le titre de ce recueil « Dans la mêlée des étoiles » est très beau.  Il est intriguant aus­si. Dans la pré­face de ton recueil Nour­ré­dine Ben Bachir écrit que « les frag­ments de météorites et de lam­beaux d’histoire se sont agglu­tinés pour faire du père un per­son­nage tra­ver­sé comme rarement par la folie du vingtième siè­cle ». C’est le sens que tu donnes à ce titre ?

Mon ami poète et romanci­er Nourre­dine Ben Bachir a don­né un sens dif­férent du mien à ce titre. Et tant mieux ! Il en a fait sa pro­pre lec­ture et elle est pleine­ment judi­cieuse par rap­port au livre dont la fig­ure du père est cen­trale, et par là incontournable.

Pour ma part, je suis par­ti de l’idée que lorsque nous regar­dons le ciel étoilé, étrange­ment, nous regar­dons le passé. C’est lié aux dis­tances prodigieuses qui nous sépar­ent des étoiles et à la vitesse de déplace­ment de la lumière. Dès lors, on sait que cer­taines étoiles con­tin­u­ent de briller dans le ciel bien longtemps après qu’elles se soient éteintes. Un peu comme nos ancêtres qui con­tin­u­ent leur vie en nous à tra­vers les legs con­scients et incon­scients qu’ils nous ont laissés.

Extrait Live Gink­go Music Com­po­si­tion de Claude Gob­et gui­tare chant Lead gui­tare : Olivi­er Thévenin Basse Ambroise GLD Per­cus­sions : Jim­my Lops.

Tu abor­des de front les enfer­me­ments, les ter­reurs, la « chaîne de souffrances/Et son cortège tragique/de hontes et de peurs irré­para­bles (p 15). Il est vrai qu’en plein cœur de l’histoire la plus intime s’incluent les mou­ve­ments de l’Histoire, les voies et images entê­tantes du pou­voir, de la guerre, de la tor­ture, les camps, tout autant que les mou­ve­ments de libéra­tion, de lutte et de résis­tance. C’est l’une des grandes orig­i­nal­ités de ce livre d’avoir mon­tré les répliques et les réso­nances qui se tis­sent entre la vie intime et les con­di­tions poli­tiques, économiques et sociales.
C’est naturelle­ment que j’ai inscrit ce réc­it famil­ial et ses tra­jec­toires indi­vidu­elles dans le cadre plus vaste de ce que tu nommes « les mou­ve­ments de l’Histoire ». Mon édu­ca­tion intel­lectuelle mar­quée par le matéri­al­isme his­torique et la soci­olo­gie de Pierre Bour­dieu m’a très tôt ouvert les yeux sur l’importance de l’arbitraire dans l’existence. Certes, nous faisons notre pro­pre his­toire mais nous évolu­ons dans des con­di­tions matérielles, cul­turelles et psy­chologiques d’existence que nous n’avons pas choisies et dont il est extrême­ment dif­fi­cile de s’extraire, surtout lorsque l’accès à l’éducation et à la cul­ture est restreint pour les class­es les plus mod­estes, dont ma famille est issue. Dès lors, pour bris­er les chaînes de l’enfermement, reste les actes de résis­tance et de libéra­tion qui jalon­nent depuis les temps les plus reculés de l’Histoire la con­di­tion humaine et aux­quels je suis extrême­ment sen­si­ble. Reste aus­si les actes de créa­tion, l’art, et pour moi tout en haut, la poésie, pour nous éclair­er, nous émer­veiller et par­fois nous révolter con­tre l’ordre établi, l’embourgeoisement, le conservatisme.
Bien au-delà de toute accu­sa­tion, comme nous l’évoquions, ton écri­t­ure cherche à sor­tir d’une cer­taine fatal­ité.  Elle assume pleine­ment le désir de s’extraire d’un passé éprou­vant, de s’en affranchir, de retrou­ver du souf­fle, en même temps qu’une cer­taine dig­nité, autant pour toi que pour les êtres qui te sont chers.
C’est tout à fait cela Christine !
Pen­dant l’écriture de ce recueil, j’ai été porté par un élan vital. Ce sur­saut intérieur, cet état d’urgence dont je par­lais précédem­ment, était ani­mé par un intense désir de rup­ture avec les vio­lences intra- famil­iales héritées du passé. Car je me sen­tais comme pos­sédé par des forces incon­scientes et destruc­tri­ces et leurs répéti­tions trau­ma­tiques qui affec­taient ma vie en agis­sant sur elle. Pour m’en affranchir et recou­vr­er ma dig­nité d’être humain tout en resti­tu­ant celle de mes ancêtres, qui le plus sou­vent n’ont fait que sur­vivre tant ils ont été mal­menés par des con­di­tions de vie épou­vanta­bles, après vingt années de psy­chothérapie, Il me fal­lait affron­ter ce passé une bonne fois pour toute. En démêler les fils ténus qui reli­ait cha­cun des êtres qui le com­po­saient. Afin de revenir à la vie. Ce livre est un acte de lib­erté tout comme une ten­ta­tive de renais­sance par la créa­tion et la trans­mis­sion. Je le devais à moi-même mais aus­si à mes enfants afin que ce passé famil­ial soit moins lourd à porter sur leurs épaules, et j’espère qu’il l’est aujourd’hui. D’ailleurs, en écrivant ce réc­it de l’intime, je n’ai jamais cessé de penser à l’idée de transmission.

Claude Gob­et, Ambroise et Alex au STAQ, novem­bre 2023.

Il s’agit véri­ta­ble­ment de « te désem­poi­son­ner l’âme » comme tu l’écris p 98.  D’ailleurs, l’écriture de ce livre arrive après une péri­ode de qua­si-effon­drement men­tal. Pour­rais-tu plus nous don­ner quelques éclair­cisse­ments sur la tem­po­ral­ité de cette écriture.
L’écriture de ce livre est en effet arrivée à une péri­ode par­ti­c­ulière de mon exis­tence. Une péri­ode où je souf­frais de trou­bles de stress post-trau­ma­tiques, avec son lot de peurs intens­es, de détresse et d’impuissance. Ces trou­bles men­taux étaient con­sé­cu­tifs à un épuise­ment pro­fes­sion­nel et à sept années de har­cèle­ment sur mon lieu de tra­vail. J’étais en soin psy­chi­a­trique, avec un traite­ment médi­cal lourd afin de neu­tralis­er des pul­sions sui­cidaires récur­rentes… Je n’écrivais plus depuis de longs mois, j’avais égale­ment totale­ment délais­sé la musique, je ne jouais plus de gui­tare, ne chan­tais plus… Comme sou­vent en de telles sit­u­a­tions, ces trou­bles ont fait réémerg­er les trau­mas de l’enfance que j’avais réus­si jusque-là à endiguer et à domes­ti­quer. J’étais lit­térale­ment envahi par la douleur… Il m’est encore dif­fi­cile aujourd’hui d’évoquer cette péri­ode… Et comme je n’ai pas voulu quit­ter la vie, les mots sont revenus peu à peu à moi. J’ai repris langue d’abord par la lec­ture. Avec les ouvrages de la psy­ch­an­a­lyste et philosophe Alice Miller, que je cite d’ailleurs dans le pre­mier poème ain­si que dans le dernier du recueil, et dont les thès­es sur la vio­lence cachée, qui de son point de vue car­ac­térise sou­vent les rela­tions entre par­ents et enfants, m’ont lais­sé une empreinte très forte. Sur les con­seils d’un ami, j’ai égale­ment décou­vert au même moment le philosophe Hart­mut Rosa, en par­ti­c­uli­er son essai inti­t­ulé « Réso­nance » qui m’a beau­coup aidé à revenir à mon essence de poète… Puis la corde vibrante qui me rat­tache à l’existence, la poésie, sans laque­lle je ne peux véri­ta­ble­ment exis­ter, s’est remise en mou­ve­ment et très rapi­de­ment m’a envahi en un flux con­tinu pour don­ner nais­sance à ce livre.
D’ailleurs, tu par­les p 89 d’un voy­age initiatique/vers ce qui n’est pas encore advenu et de « l’inespéré désir d’habiter pleinement/ Ma pro­pre exis­tence. Un pro­jet vital. J’aimerai bien que tu nous dis­es com­ment la poésie juste­ment vient ouvrir cette voie. 
« Habiter pleine­ment ma pro­pre exis­tence » sig­ni­fie pour moi entr­er en état de poésie c’est à dire pou­voir ressen­tir inten­sé­ment le souf­fle de la vie. Vivre des moments qui me sem­blent plus vrais que d’autres lorsque le regard cesse d’être usé, lorsque l’imprévisible peut sur­gir. Le poème devient dès lors une trace de ces moments, une ten­ta­tive de les fix­er. Ce qui est cer­tain en ce qui me con­cerne c’est que la poésie telle que je la ressens et la pra­tique à plus à voir avec « le lan­gage de l’âme », pour repren­dre les mots de Gas­ton Bachelard, qu’avec l’esprit, plus à voir avec l’intuition qu’avec l’intention, plus à voir avec le sen­si­ble qu’avec la rai­son. Cette manière d’être en poésie néces­site une con­di­tion essen­tielle, celle de la disponi­bil­ité à moi-même et aux autres. Autrement dit, je me sens poète et me vis comme tel lorsque je suis disponible à la vie et que celle-ci débor­de soudain en moi. Comme le dit le poète Charles Juli­et « J’ai les mots quand j’ai la vie ».
Claude, Tu es poète et aus­si musi­cien.  Dans ce long poème, il y a un rythme par­ti­c­uli­er, une sorte de paysage musi­cal qui donne vie et des­sine les entrelace­ments entre cha­cune des exis­tences que tu nommes, mais aus­si entre le quo­ti­di­en et les con­textes soci­aux- poli­tiques. Ce rythme-là est très émou­vant car il est une mise en mou­ve­ment, un réveil de quelque chose qui sem­blait s’être immo­bil­isé et qui avait phago­cyté ton âme ? 
Je suis heureux Chris­tine que tu soulignes cet aspect de mon écri­t­ure car je me situe dans la tra­di­tion de la poésie orale et sa dimen­sion lyrique. N’oublions pas qu’avant d’être écrite et pub­liée, la poésie était un art exclu­sive­ment oral par lequel se trans­met­tait, de généra­tion en généra­tion, jusqu’aux racines de l’être, les vibra­tions pro­fondes des émo­tions qui font notre human­ité com­mune. Ce lien entre l’écrit et l’oral, entre poésie et voix, entre poésie et musique, je le pra­tique égale­ment depuis plus de vingt ans à tra­vers l’écriture et la com­po­si­tion de chan­sons. Ce qui m’inscrit hum­ble­ment dans la lignée d’Orphée, à la fois poète et musi­cien. Actuelle­ment, je présente sur scène un spec­ta­cle dans lequel, avec mes amis musi­ciens, j’interprète des poèmes et des chan­sons par­mi lesquels deux textes de mon dernier recueil dont voici des extraits : « 1956 : Con­traire­ment à toi papa/A ton père/A tes deux grands-pères/­Je n’ai pas fait la guerre/Pas eu à tenir une arme/Contre mes frères humains/Pas eu à subir les humil­i­a­tions et les ordres/D’officiers assoif­fés de gloire et de sang/Pas eu à assis­ter impuissant/A la torture/Aux viols/A la méta­mor­phose en crim­inels de guerre/De cama­rades de chambre…//», « 1965…A deux ans d’automne à hiver/Je fus pro­jeté loin de l’appartement de la cité Mozart/Dans le vide de l’abandon/Et l’étrangeté d’une langue inconnue/Chez mes grands-par­ents maternels/Victor et Julia Espinosa/Dans un vil­lage du pays cathare/Entre mer et montagne/Où les paysages languedociens/De vignes d’oliviers et d’amandiers/Chargés des par­fums odor­ants du maquis/Apparaissent dans la lumière de l’arrière-saison/Clairs comme du verre… // »

 

Présentation de l’auteur

Claude Gobet

Claude Gob­et né en 1963 à Béziers est poète et musi­cien. Enfant de la ban­lieue lyon­naise, il ren­con­tre, au col­lège, le poète Thier­ry Renard avec qui il fonde la revue de poésie, Aube Mag­a­zine. Il écrit de la poésie depuis l’adolescence notam­ment dans les revues Aube Mag­a­zine et dans la revue fran­­co-améri­­caine, L’Imprévue. Il a pub­lié 2 recueils de poésie : Chorale, en 2009 aux Édi­tions Bérénice, et Chants de la terre et du vent, en 2016 aux Édi­tions du Mont-Popey. il réalise de nom­breuses lec­tures publiques et con­certs dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes avec son groupe Gink­go. Il pré­pare actuelle­ment l’enregistrement d’un pre­mier album de ses chansons.

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Christine Durif-Bruckert

Chris­tine Durif-Bruck­ert, est enseignante chercheure hon­o­raire en psy­cholo­gie sociale et en anthro­polo­gie à l’Université Lyon 2, auteure d’essais, de réc­its et de poésie. ‑Dans le domaine de la recherche, elle mène de nom­breux travaux sur le corps (le corps nour­ri et les enjeux de l’incorporation, le corps féminin, le corps sous emprise), ain­si que sur la mal­adie, psy­chique et soma­tique et sur la rela­tion thérapeu­tique. Out­re la dif­fu­sion d’un grand nom­bre d’articles dans des revues sci­en­tifiques nationales et inter­na­tionales, elle pub­lie : Une fab­uleuse machine. Anthro­polo­gie du corps et phys­i­olo­gie pro­fane. Paris : L’œil Neuf (1ère Édi­tion Anne-Marie Métail­ié, 1994, (2008, Réédi­tion), La nour­ri­t­ure et nous. Corps imag­i­naire et normes sociales. Paris : Armand Col­in. 2007, Expéri­ences anorex­iques, Réc­its de soi, réc­its de soin. 2017, Armand Col­in En 2021, elle coor­donne l’ouvrage col­lec­tif Trans­es aux édi­tions Clas­siques Gar­nier. — En poésie, elle pub­lie Langues, en 2018, chez Jacques André Édi­teur, puis Les Silen­cieuses en 2020 et Le courage des Vivants qu’elle coor­donne avec Alain Crozi­er (2021) Les Édi­tions du Petit Véhicule pub­lient trois livres d’artiste en dia­logue avec la pho­togra­phie (Arbre au vent, Le corps des Pier­res, 2017 et 2018, et en col­lab­o­ra­tion avec Mar­i­lyne Bertonci­ni et Daniel Roux-Reg­nier, Les mains (2021). En 2021, Courbet, l’origine d’un monde, aux Edi­tion inven­it, col­lec­tion Ekphra­sis. Et plus récem­ment, un mono­logue poé­tique, Elle avale les levers du soleil, aux Édi­tions PhB, en cours de mise en scène avec la com­pag­nie Lr Lanterne Rouge (Mar­seille) et en 2023 une con­ver­sa­tion poé­tique, La part du désert co-écrit avec Cédric laplace (Edi­tions Unic­ités) Par­al­lèle­ment, elle pour­suit des pub­li­ca­tions dans divers­es revues de poésie et par­ticipe à des antholo­gies. Sur l’année 2021/2022, elle a par­ticipé aux antholo­gies : Dire oui et Ren­con­tr­er (Flo­rence Saint Roch), Terre à ciel, Je dis DésirS, Jaume Saïs, Edi­tions PVST, Voix Vives, Pré­face de Maïthé Val­lès-Bled, Édi­tions Bruno Doucey, Mots de paix et d’Espérance, réu­nis et traduits par Mar­i­lyne Bertonci­ni, Edi­tions Oxybia…

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