« Le monde a été rem­placé par l’idée que nous en avons », cette phrase, par­mi les pre­mières du recueil, nous dit que nous allons vivre dans un ailleurs fab­riqué, idéal­isé, irréel. En fait nous sommes plongés dans une réal­ité con­crète, organique, guer­rière où les arbres n’ont plus de nom, où les mots sont enter­rés sous les décom­bres, où on des­sine son ombre à la craie sur le trot­toir, où les rêves n’ex­is­tent plus.

L’hor­reur est au quo­ti­di­en, une hor­reur qui sig­ni­fie, qui dit cette vérité impi­toy­able, déchi­rant les âmes et les corps. Alors que peut faire la poésie ?

Elle n’est pas une fleur ni un nuage qui passe, mais le fer sur la chair, le feu qui craque dans les os, la nuit incendiée plus claire que le jour, mais heureuse­ment il y a les sou­venirs d’en­fance qui revi­en­nent dans les instants d’ac­calmie, lais­sant une trace embuée sur la vitre.

Au fur et à mesure des qua­tre par­ties, nous allons de la guerre à la philoso­phie exis­ten­tielle la plus cru­elle, avec le soleil qui coule entre les doigts et les peurs qui se figent au sol. Doit-on pren­dre un bus au hasard et être prêt à descen­dre à tout moment ?

Kevin Pow­ers nous y invite dans une sorte de road-movie guer­ri­er et poé­tique, entre la dureté du réel, suiv­ant ain­si Rim­baud qui souhaitait retourn­er à la rugosité du réel et de l’être intérieur qui erre par­mi les objets et les vivants à la recherche de l’amour, le vrai. Ce n’est pas la dif­fi­culté d’un écrivain, d’un poète, d’un artiste qu’il nous racon­te mais celle d’un homme, c’est pourquoi nous ressen­tons au plus pro­fond son dis­cours par­fois très direct, face à l’in­com­préhen­sion devant ce réel atroce, avec une lucid­ité si exigeante qu’elle a par­fois un goût acide dans la gorge.

Il est temps de s’ex­traire pour arrêter de gaspiller nos rêves, nos espoirs, nos vies et la Terre, nous dit-il.

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