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L’étendue musicale de Marcelin Pleynet

Le roman est un genre faux

 

   A-t-on suffisamment remarqué l’invention formelle que promeut le volume de Marcelin Pleynet, L’étendue musicale ?  L’ouvrage, comme on sait, est sous-titré « roman ».  Qui connaît l’œuvre de Pleynet ne peut imaginer que le poète ait négligé les leçons D’Isidore Ducasse, lequel écrivait in POESIES 1 :  « Le roman est un genre faux, parce qu’il décrit les passions pour elles-mêmes : la conclusion morale est absente. »  Si dans L’étendue musicale les passions sont décrites pour elles-mêmes, la « conclusion morale » n’y est pas pour autant absente.

    Rien n’interdit d’entendre « le roman est un genre faux » ainsi : le roman est un genre faux parce qu’il n’est pas un genre au sens étroit et rigide d’un genre constitué, formaté, cultivé comme tel.  Or, journal, poème, essai, fiction, L’étendue musicale dans son écriture et sa composition subvertit les genres, les libère de tout carcan pour se déployer sans garantie coutumière et s’inscrire par la seule force de ses traits, ses surgissements, ses résonnances et équilibres.  Par sa poésie. Roman.  Comme Venise elle-même, l’écriture de Pleynet à la fois contient et se laisse déborder. Invention, proprement moderne, d’une nouvelle forme, poussée de l’intérieur, autonome, qui libère la langue (la pensée, les sensations) et tient miraculeusement dans une esthétique du vrai.