Le poète saou­di­en Ashraf Fayadh a été con­damné à mort le 19 novem­bre par un tri­bunal de son pays pour “pro­pa­gande athéiste et blas­phème”. Il aurait été enten­du en train de maudire Allah et son Prophète par un témoin et cer­tains de ses poèmes ont été con­sid­érés comme prô­nant l’athéisme.

La con­damna­tion pour blas­phème d’un poète dans l’ex­er­ci­ce de la Poésie, quelle qu’en soit la forme et même quels qu’en soient les pro­pos de con­tenu, a quelque chose de navrant et d’amère­ment ironique, tant il sem­ble évi­dent que la Poésie, au con­traire, est par excel­lence, sous toutes ses formes, le dis­cours qui élève l’Homme vers Dieu, vers la tran­scen­dance de lui-même. Moins que tout autre, la tra­di­tion islamique, quelle qu’en soit la forme par­ti­c­ulière, ne peut le mécon­naitre. La dig­nité même de l’Ara­bie, sem­ble devoir, plus que tout autre peut-être par son passé poé­tique, coranique et pré-islamique, recon­naitre cette prox­im­ité de la Poésie et de l’élan religieux. Le con­tenu (même voltairien ! ) de la poésie ne s’ef­face-t-il pas devant l’In­ten­tion Poé­tique, envis­agée dans son essence vivante ?

Pour-ce, il faut deman­der Grâce pour le poète, avant même de deman­der une éventuelle Jus­tice pour l’homme.

On sait que l’In­jus­tice et la rai­son d’É­tat ont leurs par­ti­tions liées.

Mais elles se dé-légiti­ment et se dé-tran­scen­den­talisent par­ti­c­ulière­ment, man­i­feste­ment et aux yeux de tous, en s’at­taquant à l’acte poé­tique, à celui qui le porte et à ceux qui le suivent.

Le même partage symp­to­ma­tique entre chem­ine­ment d’élé­va­tion et chem­ine­ment d’abaisse­ment s’ob­serve, ici en France, entre ceux qui, par la musique, le rap et le slam, sont passés au fil des années, des paroles d’ex­pec­to­ra­tion de la vio­lence et de la haine à des paroles de quête du Mieux et de ques­tion­nement des pro­fondeurs meilleures de l’Homme … et ceux qui, devenant étrangers à toute poésie, s’en­ga­gent au con­traire dans les voies dou­teuses et ténébreuses de la vio­lence et du meurtre.

Nul doute que, ici, la poésie print­anière et sub­ven­tion­née, par des voix plus offi­cielle­ment puis­santes, deman­dera vigoureuse­ment au gou­verne­ment français de faire tout son pos­si­ble pour sauver la vie (et la lib­erté, ce serait bien !) du poète. Mais chaque ami de la poésie pour­rait, ce me sem­ble, de son côté, et pour la Poésie même, le faire aus­si, modestement.

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