Cadou : un poète « grégorien »* au coeur étoilé

 

* Le chant gré­gorien : ce genre musi­cal appelle au calme, au recueille­ment, à la con­tem­pla­tion, il est inter­prété par un chœur ou un soliste.

 

Mort très jeune à trente et un ans, le 21 mars 1951, un jour du print­emps, René Guy Cadou, con­traire­ment à la majorité des humains qui sont dans l’incapacité à être vivants, a été cet homme « vivant » dont par­le Mau­rice Zun­del : « La plu­part des hommes meurent avant de vivre et c’est cela la vraie mort (…) Nous exis­tons très rarement. Le plus sou­vent, nous sommes en attente, en capac­ité d’existence : nous n’existons pas. » (1)

Cadou, homme et poète vivant car la poésie fut pour lui, au creux de sa soli­tude, dans la douleur de l’absence des par­ents, elle fut  dans le silence d’avant Hélène : « Une parole inouïe, la lev­ée d’un souf­fle vif au creux de l’Absence. »  (2)

La poésie se fera le reflet de sa quête intérieure et d’une Présence ren­con­trée. Elle nous dit, ce qu’il a perçu, ce qu’il a reçu de : «  Cette res­pi­ra­tion du silence même, comme l’ont expéri­men­té les mys­tiques et aus­si les poètes. »  (3)

Il a su don­ner à son silence forme et lim­ites car il a pu se met­tre à l’écoute de la nuit, en cette cham­bre d’école à Lou­is­fert, où, après la classe, il entrait en écriture.

René Guy Cadou est un veilleur dans la nuit et il a su en voir la splen­deur, comme le dit si bien le poète et mys­tique Angelus Sile­sius dans son œuvre : La rose est sans pourquoi

« L’éclat de la splen­deur appa­raît dans la nuit qui peut le voir ? un cœur qui a des yeux et veille. »

La poésie de Cadou, nous éclaire sur sa vérité intérieure,  il n’a pas men­ti, ni aux hommes ni à Dieu. Il n’a cessé de s’interroger, d’interroger l’Autre et de le chercher. Il n’a jamais osé affirmer : «  Je crois », ni aux hommes ni à Dieu. Il a eu l’honnêteté de dire ses doutes ; sa vie comme ses  textes illus­trent cette belle et cinglante réflex­ion de Kant : «  Qui dit à Dieu « je crois », sans avoir peut-être jeté un seul regard sur son for intérieur pour voir si vrai­ment à quelque degré, il a con­science de cette con­vic­tion, cet homme com­met le men­songe non seule­ment le plus inepte à l’égard de celui qui sonde les cœurs, mais encore le plus crim­inel. » (4)

Il a cepen­dant, timide­ment osé dire : « Je crois en Dieu parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement. » (PVE, p.318)

La ren­con­tre avec le Tout Autre, peut-elle, doit-elle se dire ? être révélée, même dans le poème ? Doit-on garder le silence sur cette lumineuse expéri­ence avec la « Face rayonnante ».

« Je monte dans ma cham­bre et pré­pare les feux, j’appareille tout seul vers la face ray­on­nante de Dieu. » (PVE, p.319)

  Il y a donc bien eu ce face à face et pour cela il  a fal­lu se retir­er, il  a fal­lu la soli­tude surtout celle de Lou­is­fert que l’ami poète Michel Manoll qual­i­fie de « haut lieu où souf­fla l’Esprit ».(5)

La poésie est état de grâce, quand elle est con­tem­pla­tion, ten­dresse, humil­ité : «  Le poète sera tou­jours cet égaré sub­lime qui porte en lui-même sa berg­erie. » ( PVE, p392) ; quand elle est aus­si ren­con­tre avec : les amis, les poètes, et Jésus- Christ .

Il le dit à Pierre Yver­nault, curé de cam­pagne dans un poème let­tre qu’il lui adresse :

« Cher ami
Sans doute êtes-vous comme moi dans un village
Encadré par des can­délabres de la pluie
Rece­vant à dîn­er d’inquiétants personnages
Comme Rim­baud ou Max Jacob ou Jésus-Christ… » (PVE,p.338)

 

Ce n’est pas un hasard si des hommes de foi sont à ses côtés Pierre Yver­nault, mais aus­si Max Jacob et Pierre Reverdy.

Avec Max Jacob, il partage une cer­taine expéri­ence de la Ren­con­tre, Max poète et con­ver­ti pour avoir vu le vis­age du Christ dans sa chambre.

 Dans la let­tre du 23 jan­vi­er 1940, Max Jacob  con­seillera le jeune poète pour des médi­ta­tions, afin qu’il s’agrandisse philosophique­ment et spir­ituelle­ment et donne plus de pro­fondeur à son œuvre. René un peu plus tard lui répon­dra : «  Je suis sûr que tu dis vrai cher Max… »

À la mort de Max, si douloureuse pour lui, qu’il la com­pare à celle de ses par­ents, le maître ne dis­paraî­tra pas de la vie de René, Max sera le passeur, Cadou   ne cessera de s’adresser à celui qui est tou­jours : «  Vivant comme lys dans le cœur des poètes. »

Cette évo­ca­tion du lys désigne bien Max comme guide spir­ituel, le lys est ici fort de son sym­bole religieux, de pureté, il est la fleur mar­i­ale. Le lys est sou­vent présent chez les mys­tiques, Marie étant l’intermédiaire entre les hommes et le Christ. Max Jacob est bien devenu le médi­a­teur entre ce monde et l’autre.

 « Et ne songes qu’à Dieu en toi-même invisible
   Vingt fois plus invis­i­ble qu’aiguillée de fil
 

  Telle­ment mer­veilleux et telle­ment présent
   Que sans cesse tu nais de ce rapprochement
 

 Et la lampe qui fait bouger ta mai­son rose
  Nous accueille et nous ouvre à ta métempsycose… »

 (En liai­son avec Max PVE, p.294)   

 

L’occurrence du lys dans l’œuvre de Cadou a chaque fois valeur sym­bol­ique ; l’image est forte dans le poème où il évoque sa volon­té de vivre loin de Paris, du bruit, de l’agitation et donc du « diver­tisse­ment ». L’odeur des lys sym­bol­ise bien ce lieu de médi­ta­tion, Lou­is­fert , dont il a besoin pour créer.

Citons aus­si ces vers où le lys évoque, Pas­sion et Résurrection :

«  Ton sang est beau comme les lys. »

(Les lilas du soir ‚PVE, p.82)

«  Ah ! quelque part ! là-bas être à genoux tout seul dans la crypte !
    Linge blanc !lys !odeurs !fraîcheur ! »

( Noc­turne PVE, p.325)

Il asso­cie aus­si le lys aux asters, sym­bole de la fidél­ité en amour, dans Mon enfance est à tout le monde : « On fait le tour de la chapelle. Mais par la porte entre­bâil­lée, quelle fraîcheur ! les lis et les asters ont mangé les statues ».

René Guy Cadou s’adressera aus­si au poète retiré à Solesmes, Pierre Reverdy :

«  Je t’aperçois
   Tirant vers la nuit ton échelle
   La boucle de ton sang s’accroche à la tonnelle
   Et tu dis
   Sup­pli­ant les autres d’avancer
   Regardez
   C’est la vie qui vient de com­mencer. » (PVE,p.159)

Pour René Guy Cadou, Pierre Reverdy est un mod­èle pour aller à la ren­con­tre de soi-même, le plus intéres­sant des voyages :

« Je ne fais pas de dif­férence entre Reverdy, sans cesse immergé au plus pro­fond de son être et un Cen­drars à l’affût de lui-même au détour d’un pays. » (Les liens du sang, PVE, p.406)

 René Guy Cadou aimait les hommes qui comme lui s’étaient retirés, loin de la ville et de ses diver­tisse­ments, ces ermites en quête de leur vie intérieure, la meilleure et la plus exal­tante des aventures.

Le sculp­teur Jean Fréour est l’un d’eux, il vien­dra se réfugi­er pen­dant la guerre à Issé près de Lou­is­fert.  L’œuvre de cet artiste traduit sa quête spir­ituelle voire mys­tique, une mys­tique qui s’incarne dans son art, les deux reta­bles de l’église Sainte — Thérèse à Nantes en témoignent, il a prêté ses traits à Saint Joseph et ceux de sa femme à Marie. Jean Fréour que Hélène et René appelleront « l’ermite ». Lui aus­si se retir­era du monde et choisira de vivre à Batz-sur-Mer où il réalis­era l’essentiel de son œuvre. Jean Fréour   était si proche du poète qu’ à la mort de celui-ci, il sculptera sa main. Cette main faite pour l’écriture, la fra­ter­nité et l’amour, est aus­si une main consolatrice.

 Cette main dit cette ful­gu­rante révéla­tion mys­tique , le poète  appelé à con­sol­er Dieu : « Tu souf­fres, mon Dieu, la plaie s’est rou­verte. Garde ma main, garde-là. Elle est douce comme les feuilles de figu­ier. (PVE,p.79)

« Douce comme des feuilles de figu­ier. », l’arbre choisi pour cette com­para­i­son est un arbre mes­sian­ique ;   Jésus dit à Nathanaël : «  Quand tu étais sous le figu­ier je t’ai vu. » (Jean ch 1v. 43à 51),   Nathanaël médi­tait sur la parole de Dieu et était dans l’attente du Messie.

On retrou­ve cette main con­so­la­trice dans cet autre poème :

«  Mon Dieu cela m’arrive de penser à toi
  Comme à un survivant (…)
 

Je me mets sous la lampe et je te dis Raconte

………………………..

Et celui que je vois et que je crois tout près
Est quelque part sur un rivage crucifié
 

Mais pas si loin mon Dieu que je ne puisse joindre
Mes deux mains sur ton front comme des térébinthes. »  (PVE, p.228 )

 

Les deux mains posées en signe de béné­dic­tion, la couronne d’épines de la Pas­sion est rem­placée par les mains du poète dev­enues feuilles de térébinthe, l’arbre de la force, de l’endurance et de la longévité dans la Bible.

Le poète ne demande pas à Dieu de le con­sol­er, bien au con­traire c’est lui le si faible avec ses doutes, ses deuils, ses souf­frances morales et physiques qui est appelé à aider Dieu !

« Laisse-moi te porter, Seigneur, tu n’en peux plus. Couche –toi dans mes bras. » (PVE, p.80 )

«  Je marche près de Toi
Ta croix est plus légère… » (PVE, p.108 )

 Une jeune juive mys­tique, Etty Hellisum, plongée au cœur des ténèbres de l’holocauste, va elle aus­si vivre cette expéri­ence et écrire : « Une chose cepen­dant m’apparaît de plus en plus clair : ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pou­vons t’aider et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. »

Etty Hellisum, René Guy Cadou, deux vies qui entrent en com­mu­nion spirituelle.

La poésie de René Guy Cadou se fait sou­vent prière, demande de pardon

« Par­don Seigneur !par­don pour vos églises
  Et si j’ai gal­vaudé dans les champs
  Si j’ai jeté des pier­res dans vos vitres
  C’est pour que me parvi­enne mieux Votre Chant… » (PVE, p.345–346 )

 

Dans la bib­lio­thèque de René Guy Cadou se trou­vait une par­tie de son héritage spir­ituel : des écrits de grands mystiques :

-         Le can­tique du soleil et les Fioret­ti de Saint François d’Assise

-         Glose et château intérieur de Sainte Thérèse d’Avila

-         Le Can­tique spir­ituel de Saint Jean de la Croix

On retrou­ve d’autres fig­ures de cet héritage dans le poème rédigé en 1948  Saint Antoine et com­pag­nie (PVE ‚p. 302–305 )  entouré de Saint- Thomas, Sainte Madeleine, Sainte Véronique  , toutes des fig­ures mar­quantes de la spir­i­tu­al­ité catholique.

 Comme Saint François, le poète a besoin de la nature, des arbres, des fleurs et des ani­maux, cette nature où se côtoient fragilité et per­ma­nence, cette nature qui comme dans les textes de  Saint François  don­nent le sen­ti­ment d’éternité.  

Cer­tains poèmes de R G Cadou sont proches de psaumes où la fragilité de l’homme est mon­trée mais tou­jours une fragilité qui devient force et se change en espérance :

« Pieds nus dans la cam­pagne bleue comme un Bon Père
   Qui tient sa mule par le cou et qui dit des prières
  

   Je vais je ne sais rien de ma vie mais je vais
   Au bout de tout sans me souci­er du temps qu’il fait… » ( Le cœur défini­tif 1948 )

 

Les psaumes dis­ent aus­si l’homme dépouil­lé, rejeté, l’homme soumis à l’affrontement du mal ; ils dis­ent les corps souf­frants, la peur de la mort, la détresse de l’angoisse et du doute. «  Le psaume est une parole dite par quelqu’un avant d’être un écrit par quelqu’un ; l’écrit est là comme une cica­trice. Il y a tou­jours une rai­son au cri poussé. Dieu m’abandonne, je suis mal­heureux, je vais mourir. Alors, je crie vers Dieu  et par­fois même je crie con­tre Dieu. »  Didi­er Rimaud (6)

«  Mon Dieu! je crie le jour, et tu ne réponds pas; La nuit, et je n’ai point de repos ».Ps 22.3

«  Tu m’as jeté dans une fos­se pro­fonde, dans les ténèbres, dans les abîmes. »Ps 88.7

«  Le cœur me bat, la force m’abandonne
    Et même la lumière de mes yeux. » Ps 38.11

« Tu éloignes de moi amis et familiers
    Ma com­pagne c’est la ténèbre. » Ps 88.19

Le psaume c’est se tenir debout devant Dieu, en toutes cir­con­stances. Il y a donc, même dans la ténèbre une prière pos­si­ble et R G Cadou le sait qui «  Adresse à Dieu » celle du 20 juin 1948 :

(…)

Accueille-moi si tu le veux comme on respecte
Le com­bat ter­miné un  blessé de la tête
Je t’ai trou­vé je t’ai per­du je t’ai caché
Comme un bil­let galant à un autre adressé
Q’on déchiffre en trem­blant dans le gel de la chambre
Et qu’on relit avant de le réduire en cendres
Tu ne peux rien pour moi main­tenant que je suis
Fané par ton soleil comme une fine pluie
Venue d’un nuage bas qui met­tait sur la terre
Quelques larmes de trop au bord de tes paupières
Tu peux bien m’accueillir et m’ouvrir tes palais
Tu ne me ren­dras point cet amour que j’avais
De la vie ni ce doute inné de Ta Personne
Qui fait que je suis là et que tu me pardonnes.
(Adresse à Dieu)

 

Au côté nuit du psaume, il y a le côté jour de la louange, le spec­ta­cle de la nature élève l’homme.

 « La mer est à lui, c’est lui qui l’a faite; La terre aus­si, ses mains l’ont for­mée. » Ps 95.5

 « C’est là que les oiseaux font leurs nids; La cigogne a sa demeure dans les cyprès. » Ps 104.17

                                         

La poésie de R. G. Cadou se fait aus­si louange cos­mique comme celle de Saint François se fai­sait louange au Créa­teur, dans Le can­tique des créatures.

 Pour R. G. Cadou, comme pour François d’Assise «  le cos­mos est d’abord épiphanie de la lumière. » Eloi Leclerc (7)

Lorsqu’il évoque la nature, c’est un homme paci­fié qu’il nous mon­tre comme dans la can­tate de la forêt ( 1944)  tout à fait dans l’esprit fran­cis­cain ; les voix de la biche, de l’oiseau , de l’eau se font enten­dre, toutes louent Dieu, la forêt toute entière abrite Dieu. Elle est son refuge , de la nais­sance à la croix :

«  Tu loges Dieu dans tes étages
     …….

    Tu sers de crèch­es aux nou­veau- nés
     ……….

    Je te salue dernière incar­na­tion divine
    Je recon­nais la croix sanglante et les épines
    Large­ment dis­posées sur le front du couchant
    On dit c’est la forêt
    Aus­sitôt c’est l’image
    De Dieu qui déambule…
    ………….

    Ô forêt tu fais merveille
    Pour les oiseaux pour les abeilles
    Pour ceux qui cherchent leur trésor
 

  Tu es la lampe de mes veilles
    Et la lumière de mon corps. » ( 8)

 

« Cadou est un poète qui a su se « dépouiller » de lui-même, accueil­lir le monde, le saisir, le pos­séder le ren­dre ductible , intel­li­gi­ble aux sens , au cœur , à l’esprit, à l’âme, en exprimer enfin les har­moniques. » Yves Cos­son (9)

Le recueil Hélène ou le règne végé­tal  est dans l’œuvre de Cadou l’apothéose de cette épiphanie cosmique.

Hélène est bien proche de la Bien- Aimée du Can­tique des Cantiques :

« Que tu es belle ma Bien Aimée
   Que tu es belle
   Der­rière ton voile, tes cheveux comme un trou­peau de chèvres
  Tes dents, un trou­peau de bre­bis ton­dues qui remon­tent du bain
   Tu es une grande plaine par­cou­rue de chevaux
   Un port de mer tout entouré de myoso­tis. »

       (Can­tique des Can­tiques)

 

«  Tu es l’algue marine et la plante sauvage
    Comme l’arnica
    Tu es pleine de pois­sons dans ta chevelure
    Tu es belle figure
    Plus belle que toi- même
   Tu es celle que j’aime
   Davan­tage que le pain. »  (Toi PVE, p.262)

 

Hélène  la « Bien Aimée » par qui le divin s’incarne, elle donne chair à ce mys­térieux para­doxe : l’amour réc­on­cilie René avec la mort. Parce qu’il a aimé Hélène, il va accepter sa mort  et en quelque sorte en faire don et parce qu’elle l’a aimé, il est cer­tain que l’amour se pro­longe, elle est celle qui le fait entr­er en com­mu­nion avec la créa­tion toute entière . Avec elle, tout est là, dans la lumière de l’évidence ; Être enfin !

«  Que m’importent les fleurs et les arbres, et le feu et la prière, si je suis sans amour et sans foy­er ! Il faut être deux ou , du moins hélas ! il faut avoir été deux, pour com­pren­dre un ciel bleu, pour nom­mer une œuvre ! les choses infinies comme le ciel, la lumière, la forêt ne trou­vent leur nom que dans un cœur aimant. » Gas­ton Bachelard

Hélène fut témoin priv­ilégiée du voy­age intérieur que par­cou­rut René. Elle a su regarder, écouter ce tête à tête avec Dieu, hors des dogmes et des églis­es ; mais bien présent dans le pain rompu avec les amis, dans le vin partagé avec eux. Elle a aimé cet homme qui savait louer la terre pour se rap­procher du ciel et faire de la poésie une « reli­gion » au sens éty­mologique  de religere : relier.

La poésie de R G Cadou, relie la terre au ciel, la présence à l’absence. C’est bien cette poésie qui reliera, au-delà du temps ter­restre partagé, Hélène à René. Le poète l’a su et l’a dit : 

« Le temps qui m’est donné
   Que l’amour le prolonge… »
   « Sans rien dire je pris ren­dez-vous dans le ciel

 Avec toi pour des ren­con­tre éter­nelles. » ( 17 juin 1943)

17 juin 1943, le jour de leur ren­con­tre à Clisson.

Le poète et moine Gilles Baudry, ami de Hélène, témoigne de cette union pos­si­ble mal­gré l’absence : « L’éloignement physique ne divise pas, car l’union des êtres entre eux s’accomplit en dehors du monde des apparences. » (10)

Le dia­logue entre Hélène et René s’inscrit dans la per­ma­nence de l’Amour et de la parole poé­tique partagée.

Dans les derniers mois de ce qu’il appela « sa pas­sion » René lisait : Le men­di­ant ingrat et Le Pèlerin de l’absolu de Léon Bloy.

 «  Tu lèves les yeux, me citant de temps à autre quelques pas­sages. Tu lis Léon Bloy… » (11)

Léon Bloy et Anne-Marie Roulé, un autre cou­ple, un autre amour, une autre aven­ture mystique…

 Durant les derniers mois, Cadou  lira aus­si Fran­cis Jammes et Paul Claudel.

Hélène et René, une vie en poésie, une vie en com­mu­nion essen­tielle, à la lumière de l’amour qui donne sens à l’univers. Cette lumière de l’Amour tra­verse son œuvre, faite : d’humilité, de recueille­ment et de con­tem­pla­tion. Ces mots de l’écrivain Petru Dim­itriu auraient pu être pronon­cés par René Guy Cadou comme tes­ta­ment spirituel :

«  Mais c’était cela le sens de l’univers : en arriv­er à l’amour. Voilà où m’avait mené les étapes de ma vie. Tout était main­tenant sim­ple, limpi­de, et se décou­vrait à mes yeux comme en  un éclair qui illu­mine le monde d’un bout à l’autre, mais sans que la nuit puisse jamais revenir. Pourquoi avais-je tant cher­ché ? Pourquoi avais-je accep­té un enseigne­ment venu du dehors ? Pourquoi avais-je atten­du que le monde se jus­ti­fiât devant moi, qu’il me prou­ve son sens et sa pureté ? C’était à moi-même de le jus­ti­fi­er, en l’aimant et en par­don­nant, à moi de lui don­ner son sens par l’amour et de le puri­fi­er par le par­don. » (12)

      

1 Mau­rice Zun­del : À l’écoute du silence Téqui  (1995)
 

2 – 3 Sylvie Ger­main : Qua­tre actes de présence DDB
 

4 Emmanuel Kant : Con­sid­éra­tions sur l’opposition et autres textes
 

5 Michel Manoll : pré­face des œuvres com­plètes Poésie la vie entière ed Seghers
 

6 Didi­er Rimaud :  Les psaumes , poèmes de Dieu et prières des hommes ed Vie chrétienne
 

7 Eloi Leclerc Le Can­tique des créa­tures ed Desclée de Brower
 

8 René Guy Cadou : La can­tate de la forêt 1944 inédit , revue Signes N°12–13 René Guy et Hélène Cadou  (p.89) ed du Petit Véhicule
 

9 Yves Cos­son :revue Signes N°12–13 René Guy et Hélène Cadou (p.97) ed du Petit Véhicule
 

10 Gilles Baudry : revue Signes N° 12–13 René Guy et Hélène Cadou (p.23) ed du Petit Véhicule
 

11 Hélène Cadou : C’était hier et c’est demain ed du Rocher (p.25)
 

12 Petru Dim­itriu : Ren­dez-vous du juge­ment dernier Seuil 1961

 

Extrait des actes du col­loque  René Guy et Hélène Cadou poésie et éter­nité des 20,21 et 22mars 2014 organ­isé par l’Université Per­ma­nente de Nantes et les Cahiers des Poètes de l’École de Rochefort .

On peut se pro­cur­er l’ensemble des actes : les Cahiers des Poètes de l’École de Rochefort-sur-Loire N°4 édi­tions du Petit 

image_pdfimage_print