« Poésie Ô lap­sus » - Robert Desnos

 

Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et inter­mit­tente dont le seul sujet, en rai­son du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre un nom­bre indéter­miné de fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les néces­sités de l’instant ou du jour, ces fenêtres chang­eront de forme et de for­mat, mais leur auteur, un cynique sans scrupules,  s’engage à ne pas dépass­er les dix pages pour l’ensemble de l’édifice. Lecteur, ne sois sûr de rien, sinon de ce que le petit bon­homme, là-haut, ne lèvera jamais son cha­peau à ton pas­sage car, fraîche­ment scalpé, il craint les courants d’air. 

Enfin, Le Scalp en feu sera, à par­tir de ce 5e numéro, pub­lié simul­tané­ment sur les sites de RECOURS AU POÈME et de LA CAUSE LITTÉRAIRE. / Sep­tem­bre 2013 – Michel Host

Som­maire :

-      Chronique légère -  p. 2

-      Le Poé­tique (2) - p. 2

-       Les Mains libres, Paul Élu­ard et Man Ray, Texte inté­gral, dossier par Hen­ri Scepi, Lec­ture d’image par Juli­ette Bertron, Folio­Plus clas­siques N°256, 258 pp., prix non indiqué. —  p. 3  

-      Nuits de Car­ton, Anick Roschi, Le Chas­seur abstrait édi­teur, Illus­tra­tions de Valérie Con­stan­tin, 70 pp., 16 €.  —  p. 5

-      Le poète annon­cé, Pierre Gabriel. – p. 7

 

Chronique légère

Ce 31 août 2013, au petit matin, l’oreillette col­lée à l’oreille, j’écoute France-Cul­ture. Un jeune romanci­er d’Israël, poète et tra­duc­teur, est à juste titre célébré sur l’antenne : il vit à Tel-Aviv-Jaf­fa et pub­lie un roman dont l’héroïne est Yolan­da, sa grand-mère, à laque­lle il porte une affec­tion admi­ra­tive que l’on ne peut qu’approuver ; ce jeune homme a traduit en hébreu Baude­laire et d’autres poètes français. Ses pro­pres poèmes reçoivent le meilleur accueil. Pour ces incon­testa­bles raisons il est, chez lui, une célébrité, voire une gloire lit­téraire, ce qui me réjouit. Il n’a cepen­dant pas atteint au rang de poète offi­ciel qui, seul en France, vous octroie l’accès aux colonnes du Monde et aux stu­dios de la radio. Que cette dis­grâce[1] lui soit épargnée, nous en sommes heureux tout autant, quoique nous deman­dant pourquoi les mir­a­cles de cet ordre n’ont lieu qu’au Proche-Ori­ent et plus jamais à Paris.

 

Le Poé­tique  (2)

La ten­ta­tive de le définir est désor­mais en sus­pens. J’ai fail­li ne plus m’intéresser à la ques­tion en lisant, je ne sais chez quel lit­téra­teur, que seul un esprit apoé­tique (soit un prosa­teur volant en rase-mottes) pou­vait se for­muler à lui-même une telle inter­ro­ga­tion. Il irait donc de soi que « le poé­tique » va de soi et ne demande surtout pas qu’on prenne la peine de le cern­er. Per­me­t­tez que mon désac­cord per­siste et que je ne renie pas ma qual­ité de poète. Bon ou mau­vais ?… c’est une autre affaire dont je ne veux ni ne peux décider. Je vous pro­pose donc ceci :

 

La poésie ouvre la nuit à l’excès du désir.

Georges Bataille, La Haine de la poésie

 

Tout le poème
Est dans les yeux d’un gorille en cage.

Wern­er Lam­ber­sy, Jour­nal par-dessus bord

 

 

Les Mains libres, Paul Élu­ard et Man Ray

Le recueil fut orig­inelle­ment pub­lié en 1947, par les édi­tions Gal­li­mard ; sa pub­li­ca­tion d’aujourd’hui prend la forme d’un « petit clas­sique » nou­velle for­mule : je veux dire qu’il ne s’ouvre pas sur un por­trait de l’auteur par Mme Vigée-Lebrun ni ne se ferme sur les appré­ci­a­tions cir­con­spectes de M. Émile Faguet suiv­ies de quinze sujets de dis­ser­ta­tion et d’explication de texte. Néan­moins je con­serve pré­cieuse­ment mes « petits clas­siques Larousse », avec leur mine mod­este, leur cou­ver­ture mauve, leurs notes de bas de page, leur papi­er jau­ni ou tavelé, et il m’arrive d’en acheter encore chez les reven­deurs d’occasions. Cela dit, l’écolier d’aujourd’hui aura intérêt à se pro­cur­er ces poèmes d’Éluard, non seule­ment parce que l’érotisme n’en est pas absent (une bonne édu­ca­tion se doit d’être com­plète, Rabelais et Mon­taigne la souhaitaient telle et les écrans encom­brés de pornogra­phie ne peu­vent suf­fire à tout), mais parce que des portes de la poésie et de l’imagerie con­tem­po­raine s’y ouvrent à lui, et aus­si que s’y trou­ve posée la prob­lé­ma­tique de la con­fronta­tion de l’image et du texte.

En effet, con­traire­ment aux habi­tudes, ce sont ici les poèmes d’Éluard qui illus­trent les dessins de Man Ray, lequel était rétif à l’idée de hiérar­chie dans les arts divers. Rap­pelons qu’il était aus­si pho­tographe, et qu’un cliché de Nush Élu­ard et de Sonia Mossé fig­ure en bonne place dans ces pages. Juli­ette Bertron pré­cise : « Un tis­su d’interconnexions, de cor­re­spon­dances et d’échos, si cher à la recherche sur­réal­iste qui favorise ce type de mélange et de ren­con­tre, s’exprime donc ici sous plusieurs formes. »

La réflex­ion de Juli­ette Bertron est ample et générale : elle s’étend au rap­pel de ce que fut le sur­réal­isme, loin­taine­ment né de Rim­baud et Lautréa­mont, appro­fon­di dans une « sub­ver­sion totale » par André Bre­ton et ses amis, don­nant sa voix à des formes d’irrationalité dont des preuves évi­dentes (s’il fal­lait les don­ner encore) sont offertes ici par les dessins de Man Ray et les poèmes d’Éluard. L’inconscient, auquel on peut croire sans adhér­er pour autant à la « sci­ence » freu­di­enne, est au cœur de la nou­velle esthé­tique pro­posée par le sur­réal­isme, ter­rain fer­tile ou stérile selon les évo­lu­tions du poème et de l’art.  Et, avec l’inconscient, l’image, elle aus­si cen­trale dans la démarche sur­réal­iste, fran­chit bien au-delà les lim­ites de la seule illus­tra­tion. L’écolier donc, mais aus­si l’étudiant, s’ils n’ont pas entière­ment fer­mé leur cerveau à la lit­téra­ture et à l’art, trou­veront dans cet excel­lent dossier d’accompagnement une rampe de lance­ment vers le monde sen­si­ble qui pour­rait bien demeur­er (soyons opti­miste !), pour quelque temps encore, le ver­sant plus secret de la vie humaine.

Les images que nous pro­pose Man Ray ont toute la fraîcheur et le sur­gisse­ment des inven­tions et trou­vailles sur­réal­istes. Asso­ci­a­tions non pas étranges, cela va de soi au point qu’à le not­er nous frôlons le pléonasme, mais claires et obscures du même pas, images désir­antes, corps et objets mêlés à des­sein (tout un pan de l’art d’aujourd’hui pousse ses sur­geons dans ce champ-là, art authen­tique comme art de l’imposture, art de la ren­con­tre et de l’étonnement : sou­venons-nous de Dali réu­nis­sant le para­pluie et la machine à coudre sur une table de dis­sec­tion.) Recherche de « la mer­veille », du Graal, de l’unique en somme, ce que perçoit très bien Élu­ard qui s’introduit lui-même en exer­gue : « Le papi­er, nuit blanche. Et les plages désertes des yeux du rêveur. Le cœur trem­ble. / Le dessin de Man Ray : tou­jours le désir, non le besoin. » Ces mots « illus­trent » l’image d’une femme dénudée dor­mant sur les arch­es du Pont d’Avignon.

Oui, tout cela va de soi en dépit de la sur­prise. Je m’en tiens à deux exem­ples : d’abord à cette autre femme que Man Ray place en pleine page, buste coupé aux hanch­es, sans le sou­tien new­tonien du tripode de bois habituel, et elle jetée dans les airs, mais hiéra­tique, figée, bras relevés, doigts exp­ri­mant une sorte de volon­té d’éloignement, vis­age semi-pro­filé, semi-souri­ant, coif­fure incon­nue sous nos cli­mats du XXIe siè­cle mais en vogue dans les années 1930, regard mys­térieux enfin, regard per­du, tou­jours à définir et à cern­er dans le reflet de notre désir. Déjà, en 1947, Élu­ard en offrait sa traduction :

LE MANNEQUIN

Unique guir­lande ten­due / D’un bord à l’autre de l’enfance / Petit pont de per­fec­tion / Pre­mier amour de l’écolier / Sup­pres­sion des distances.

Oui, des femmes sem­blables j’en vis dans mon enfance : elles dor­maient sans respir­er, vivantes néan­moins, ou au bord de l’asphyxie, dans les vit­rines des tailleurs. Elle pré­fig­u­raient un amour pre­mier mais aus­si des amours, des caress­es vagues qui déjà pre­naient au ven­tre le gamin que j’étais, l’arrêtaient fasciné ou le jetaient dans une fuite qui ne s’arrêterait qu’avec sa vie.

Sec­ond exem­ple, l’imitation d’une carte postale ou d’une pho­togra­phie : qua­tre fer­mes rassem­blées autour du clocher de l’église avec, sur l’horizon, la mon­tagne, sorte de Sainte-Vic­toire nordique. Le clocher est un demi-cray­on aigu tel un pal dressé vers le ciel. Dans la plaine, au deux­ième plan, sor­tant de terre, un long ser­pent, sorte de couleu­vre rég­nant sur les ter­res. Sa queue au loin se con­tor­sionne der­rière la mon­tagne. Image glaçante. Élu­ard « l’illustre » ainsi :

OÙ SE FABRIQUENT LES CRAYONS

La dernière l’hirondelle / À tress­er une cor­beille / Pour retenir la lumière / La dernière à dessin­er / Cet œil déserté

Dans la paume du vil­lage /Le soir vient manger les graines / Du som­meil animal

Bonne nuit à la pensée

Et j’appelle le silence / Par son plus petit nom.

Ici le mys­tère insond­able, le poème-exor­cisme, l’entrée de la pen­sée dans sa nuit ; là, l’évidence du mys­tère de l’objet sans mys­tère, à moins qu’il n’acquière une vie intérieure d’un autre type.

Je con­clus, tou­jours avec Juli­ette Bertron, sur « L’exaltation réciproque du texte et de l’image » (p.228) : « Définis­sant le genre hybride du “Poème-objet”, Bre­ton le présente comme “une com­po­si­tion qui tend à com­bin­er les ressources de la poésie et de la plas­tique et à spéculer sur leur pou­voir d’exaltation réciproque” (Le Sur­réal­isme et la Pein­ture). Il s’agit bien de « mobilis­er totale­ment les ressorts de l’imagination et sa puis­sance de trans­for­ma­tion des don­nées immé­di­ates de la per­cep­tion. » Cela avait com­mencé avec Mau­rice Scève et l’emblème, avec Rim­baud le voy­ant, avec Apol­li­naire et ses cal­ligrammes… Cela se pour­suit sous de mul­ti­ples formes aujourd’hui. Ce recueil nous le rap­pelle, qui est une machine à rêver et à imag­in­er, à penser sans doute aus­si, quand on nous en laisse la pos­si­bil­ité, et à nous pré­par­er à chang­er la vie qui en a bien besoin. 

 

Nuits de Car­ton, d’Anick Roschi

Recueil bref, tran­chant comme le couteau dans la plaie, comme le cri éploré dans la nuit de l’humain. Il s’ouvre sur les Clan­des­tines :

 

Dans le repli
D’une vague argentée
De jeunes corps s’échouent

 

Ces « jeunes corps », avec d’autres moins jeunes par­fois, c’est sur les côtes de la Cal­abre, de la Sar­daigne et de l’Andalousie qu’ils se ren­dent, après les rêves, « À de funestes / Ren­dez-vous ». Nous savons de qui ils sont, de quelles incuries ils ont péri, sur quelles espérances ils se sont fra­cassés. Anick Roschi tient cette note basse tout au long, il saisit la peine de l’Autre, mais n’en agite pas la mar­i­on­nette sur les scènes poé­tiques. Il ne hurle pas con­tre tant de cru­auté, il n’accuse ni ne se fait pleureuse paten­tée ou hurlante ou vatic­i­nante con­tre l’injustice. Voilà ce qui m’a arrêté, avec cette « vague argen­tée » dont Lor­ca eût fait una cuna, un berceau pour le mal­heur de ce monde. D’ordinaire, je ne goûte pas du tout, je veux dire que j’exècre cette poésie de la plainte uni­verselle et des bons sen­ti­ments qui auraient dû, s’ils avaient eu au cœur et au sang quelque degrés de l’alcool de vérité avec un peu de force, éviter que l’on eût tant de mal­heurs à déplor­er, tant de plaintes à profér­er. Cette poésie-là, qui vient après Sen­g­hor et Césaire, et Nico­las Guil­lén, lesquels ne sont pas en cause par con­séquent, emplit de nos jours des recueils par mil­liers avec de vaines paroles qui jamais n’ont rien changé, paroles de l’après-coup que j’assimile aux pleur­nicheries du résis­tant de la dernière minute, de celui qui sait bien la pose qu’il con­vient de pren­dre pour n’avoir pas le sen­ti­ment de venir trop tard ou sim­ple­ment . De cet art de la nos­tal­gie api­toyée des édi­teurs (de poésie notam­ment) font ploy­er leur ray­on­nages, art simulé de l’espoir du jour meilleur, de la grande fra­ter­nité tant souhaitable quoique, hormis les mots creux et répéti­tifs ou les comédies habituelles, on ne fasse rien ou si peu pour la met­tre en œuvre. Poésie bouil­lie pour les chats mai­gres, tu m’écœures ! L’esclave est mort, tu deman­des à son petit-fils de gémir encore et tou­jours, par­fois même tu jettes l’anathème et fais mine d’aller com­bat­tre à nou­veau. Avec toi, le petit-fils de l’esclave restera esclave dans sa tête, il ne se sor­ti­ra pas de ce pétrin. Quant à l’esclavagiste-colonisateur, je n’en par­le pas. Lui non plus, son petit-fils veux-je dire, ne s’en tir­era pas comme ça, d’ailleurs tu ne le souhaites pas, il te le faut cet enne­mi, quoique mort et enter­ré depuis longtemps. D’où que tes vers, libres ou comp­tés, devraient lucide­ment s’appeler idéolo­gie et non poésie. Tu ne « fais » rien, tu n’engages pas l’avenir autrement qu’en ton éter­nel et stérile planc­tus. Tu es poésie de répé­tion, morte et enter­rée[2].

Anick Roschi, ce n’est pas cela, c’en est même fort loin, ses

Défer­lantes esclaves / Aux mains volon­taires… et [leurs] Rois mau­dits / Sec­ouent / Nos lits / De gouvernance.

Ah, nos bonnes gou­ver­nances ! Nos ris­i­bles gou­ver­nances ! Tout l’humour de ce poète con­siste à n’en pas dire davan­tage. Il laisse le lecteur, le réc­i­tant, libres de com­pléter et de con­clure. Il ménage l’ambiguïté, car le poème s’intitule Rois mau­dits… Qui sont-ils, ces rois-là ? De quels siè­cles ? De quels con­ti­nents ? Le monde de l’ignominie est sans fin ni fron­tières : c’est ici Anna Politkovskaïa : Une colombe, ce soir, est tombée. C’est là Neda, pour moi une incon­nue, on ne peut tout savoir de la méchanceté, surtout si Le tout puis­sant / a décidé // Pour toi / Neda, et même (et surtout) si Ton sang / Coule / Sur nos petits écrans. 

Anick Roschi ne procède pas par amples tableaux de bataille, par furieuses dénon­ci­a­tions. Le coup d’épée dans l’eau, le coup de pied de l’âne, ce n’est pas son genre. Il jette une seule pierre à l’homme qui change la femme en pierre  — Femme pierre / D’un jour répudié // Pierre d’amants / Pierre d’aimés / Homme pierre / D’obscurité. Il songe à l’oubli où demeure désor­mais le peu­ple Tamoul, au pas­sant que tue la bombe un jour de marché… car au bout de ces choses, au bout de la rue, […] rue défig­urée / Dieu est pas­sant / Dieu est passé : sous l’image, le sens caché. Dieu, oui, est bien passé par là, et il s’est tant fait à notre indif­férente ressem­blance que nous ne dis­tin­guons plus sa sil­hou­ette. Le poète nous lance ses sug­ges­tions avec cette sérénité que pro­cure la force du con­stat. S’il s’attache aux Mémoires, c’est aus­si bien aux vic­times du Zyk­lon B qu’à celles aux yeux / Hagards / s’agripp[ant] / À nos regards / Nus, et à celles de la Terre murée / Isolée /Niée / Encore aban­don­née de Pales­tine. Il est dans toutes les mémoires, même celles qu’il ne nomme pas. Il sait qu’elles se lient les unes aux autres par l’obstinée souf­france. Il per­met le dou­ble sens et le dou­ble regard : rien n’est uni­voque, et surtout pas le mal. En cela il se rend inac­cept­able pour la pen­sée unique qui tranche avec une papale autorité du bien et du mal, des bons et des méchants. On ne le recevra ni à droite ni à gauche, pour autant qu’existent encore ces caté­gories désuètes. S’il prononce ces mots, finale­ment : — Lib­erté… Égal­ité… Fra­ter­nité… -, nos emblèmes ou notre ritour­nelle, c’est qu’il cherche, appelle et voit un autre temps, d’un désir renou­velé À chaque nais­sance, seule excuse au péché d’idéalisme :

Voici le temps / Exor­cisé / De nos raisons plané­taires / Le temps / Artic­ulé / D’une cap­i­tale / Terre.

C’est donc là croy­ance humaine en ce qu’elle n’exclut d’autres croy­ances, sachant que la folie, le mal, la faib­lesse sont les choses du monde et de cette terre les mieux partagées. Cette poésie nous par­le à voix retenue et pas pour ne rien nous dire. Elle est belle, claire­ment à l’honneur de la pen­sée du temps présent et des temps à venir[3].

Les illus­tra­tions de Valérie Con­stan­tin méri­tent d’être remar­quées, car elles entrent de plain-pied, il me sem­ble, dans le pro­jet poé­tique. J’en par­le tar­di­ve­ment, mais non par rac­croc, car elles sont essen­tielles, répé­tant ad nau­se­am ces nuits de car­tons de beau­coup de ceux que « la vague argen­tée » n’a pas retenus dans son mor­tel « repli ». Ces embal­lages com­pressés, liés en énormes bal­lots et que l’on voit trans­portés par camions entiers vers les usines de trans­for­ma­tion, ce sont les mêmes dans lesquels, sous lesquels, à Tokyo et à Paris, à New-York et à Moscou… se pro­tè­gent du froid de la nuit ces incon­nus échoués dans l’ailleurs, chez nous, nos frères que nous mépris­ons en ne les voy­ant plus. Allons, que je cesse ma plainte !

 

 

Le poète annon­cé, Pierre Gabriel, paraî­tra dans un prochain Scalp.

 

_____________.

Fin du SCALP V.     

 


[1] Aucune con­tra­dic­tion dans le pro­pos : les chroniqueurs et inter­view­ers parisiens chroniquent et inter­viewent, il faut voir comme !

[2] Je me rap­pelle avoir enten­du, il y a de cela quelques années, le romanci­er mal­gache Jean-Luc Raha­ri­manana s’élever con­tre cette éter­nelle com­plainte mor­tifère et, au fond, satisfaite.

[3] Autres pub­li­ca­tions d’Anick Roschi :   Le voy­age des ombres, Edi­tions du Cygne, 2007.  Pour Haïti (ouvrage col­lec­tif) Edi­tions Desnel, 2010.

 

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