Mario Pérez Antolín, Aphorismes.

Par |2019-11-06T06:00:44+01:00 6 novembre 2019|Catégories : Essais & Chroniques, MARIO PÉREZ ANTOLÍN|

Intro­duc­tion et tra­duc­tion par Miguel Ángel Real

Mario Pérez Antolín est l’un des plus impor­tants auteurs espag­nols d’apho­rismes. Ses livres ont reçu les éloges de penseurs émi­nents tels qu’Eu­ge­nio Trías, Vic­to­ria Camps, Joan Subi­rats ou Vicente Verdú, et sont devenus une lec­ture de référence pour ceux qui aiment la fusion entre bonne lit­téra­ture et lit­téra­ture dis­si­dente. Sa poésie,  « déguisée en philoso­phie » selon Car­los Agan­zo, se car­ac­térise par la force expres­sive des images et la pro­fondeur réflex­ive des idées, créant ain­si un style nova­teur très appré­cié par la cri­tique spé­cial­isée en Espagne et à l’étranger.

L’un des apho­rismes de Pérez Antolín nous dit : « Il n’est pas de meilleure éthique qu’une apolo­gie élé­gante du rire », et son écri­t­ure sait certes se révéler ironique, mais il reste très éloigné d’au­teurs de référence dans l’his­toire lit­téraire espag­nole tels que Ramón Gómez de la Ser­na (1888–1963), inven­teur des Greguerías, qui étaient des créa­tions poé­tiques où se mêlaient l’hu­mour et la métaphore. De son côté, Pérez Antolín développe dans ses apho­rismes une philoso­phie pro­fonde qui refuse l’anecdote :

Par­mi les qual­ités du tra­vail intel­lectuel je mets en avant l’hon­nêteté, qui m’oblige à défendre même ce qui ne me con­vient pas si ceci est juste, et la rigueur, à tra­vers laque­lle on met à l’épreuve les con­clu­sions avant qu’elles soient validées  (dans « La más cru­el de las certezas », Ed. Baile del Sol).

 

Pour Aitor Fran­cos, Pérez Antolín a su dévelop­per  sa pen­sée entre l’in­tu­ition et la rationnal­ité, entre la sur­prise et l’ex­er­ci­ce analytique. 

Dans une recherche human­iste qui refute tout nihilisme, il sait se remet­tre en ques­tion en per­ma­nence pour chercher con­tin­uelle­ment la vérité, ou plutôt, « l’in­cré­dulité inter­rog­a­tive », seule façon d’échap­per aux dog­ma­tismes qui ont ten­dance à occu­per l’e­space intel­lectuel actuel. Ses livres, dans lesquels on trou­ve aus­si des micro-réc­its et des courts poèmes, se révè­lent très acces­si­bles car ils sont rédigés dans l’ex­i­gence d’un lan­gage clair, gage de pré­ci­sion et de pou­voir évocateur.

Pérez Antolín, juste­ment, explique qu’un bon apho­risme « doit avoir la force émo­tive du meilleur poème et la pro­fondeur réflex­ive du meilleur essai, et tout cela avec une pré­ci­sion éblouis­sante. Rien que cela. » Il s’ag­it d’un genre qui trou­ve sa place « entre la’in­tu­ition et la rationnal­ité, entre la pas­sion et l’analyse, entre l’éthique et l’esthétique ».

C’est avec un immense plaisir que nous vous pro­posons, en exclu­siv­ité, ces quelques apho­rismes inédits, appar­tenant à son pro­jet Con­trariedades.

 

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La tram­pa de las ide­ologías con­siste en hac­er pasar por enun­cia­ti­vo lo que es, en su may­or parte, emotivo.

Le piège des idéolo­gies con­siste à faire pass­er pour énon­ci­atif ce qui est, en grande par­tie, émotif.

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No alcan­zamos la ver­dad porque no esta­mos prepara­dos para ella. Su sola visión nos desin­te­graría.  

Nous n’at­teignons pas la vérité car nous n’y sommes pas prêts. Sa seule vision nous désintégrerait.

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Muchos pre­fieren tru­car antes que trun­car. El engaño como alter­na­ti­va a la muti­lación. Prac­ti­can la magia por no prac­ticar la siega.

Nom­breux sont ceux qui préférent tru­quer plutôt que tron­quer. Le men­songe comme alter­na­tive à la muti­la­tion. Ils pra­tiquent la magie plutôt que le fauchage.

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Hoy cump­lo 53 años y soy más evo­ca­ble que futurible.

Aujour­d’hui j’ai 53 ans, et je suis plus évo­ca­ble que potentiel.

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No que­da otro reme­dio que ser huidi­zos: uti­lizar cualquier recur­so que nos haga ilo­cal­iz­ables, desa­pare­cer de los reg­istros y las bases de datos. La evasión que per­mite zafarse del chequeo.

Nous n’avons pas d’autre alter­na­tive que d’être fuyants : utilis­er tout moyen pour nous ren­dre injoignables, dis­paraître des reg­istres et des bases de don­nées. L’é­va­sion qui per­met de se dérober au contrôle.

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Creo en un Dios que aún no haya crea­do nada, gen­er­a­ti­va­mente inédito.

Je crois en un Dieu qui n’au­rait encore rien créé, généra­tive­ment inédit.

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La soledad con­tem­pla­ti­va pre­dispone a la creación y a la autodestrucción.

La soli­tude con­tem­pla­tive prédis­pose à la créa­tion et à l’autodestruction.

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No hay may­or men­ti­ra que la clemen­cia del vence­dor. El que gana siem­pre descabella.

Il n’est plus grand men­songe que la clé­mence du vain­queur. Celui qui gagne porte tou­jours l’estocade.

La más­cara daba miedo, pero el enmas­cara­do, ocul­to tras ella, aún más. El may­or ter­ror se encuen­tra siem­pre al otro lado.

Le masque fai­sait peur, mais le masqué, caché der­rière, encore plus. La plus grande des han­tis­es se trou­ve tou­jours de l’autre côté.

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Evi­ta que la muerte ten­ga envidia de tu feli­ci­dad. Deja siem­pre, en tus logros, una pequeña parte sin cumplir. Tómate­lo como un seguro de vida.

Évite que la mort soit jalouse de ton bon­heur. Laisse tou­jours, dans tes réus­sites, une petite part non accom­plie. Prends-le comme une assur­ance vie.

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Présentation de l’auteur

MARIO PÉREZ ANTOLÍN

MARIO PÉREZ ANTOLÍN (Back­nang, Alle­magne, 1964)

Licence en Géo­gra­phie par l’U­ni­ver­sité de Val­ladol­id. Mas­ter spé­cial­isé en réamé­nag­ment du ter­ri­toire, plan­i­fi­ca­tion urbaine et poli­tique envi­ron­nemen­tale. Il a mené des pro­jets de coopéra­tion inter­na­tionale et dis­pen­sé des con­férences et des sémi­naires en Amérique Cen­trale et en Afrique.

Il a été pub­lié dans un très grand nom­bre de revues.

Il a pub­lié huit livres : Semán­ti­ca sec­re­ta (2007), Yo eres tú. Poesía 1985–2007 (2010), Pro­fanación del poder (2011), La más cru­el de las certezas (2013), Oscu­ra lucidez (2015), De nadie (2016), Esta ínfi­ma parte de infini­to (2016) y Crudeza (2018)

Il appa­raît dans de très nom­breuses antholo­gies, comme Con­cisos. Aforis­tas españoles con­tem­porá­neos (2017), Fili mei. Los aforis­tas y la pater­nidad (2018),  Antolo­gia del Pre­mio Inter­nazionale per l’Aforisna Tori­no in Sin­te­si. VI edi­cione (2018), Anuario del aforis­mo español 2018 (2019) y Dic­cionario lacóni­co (2019). 

Quelques uns de ses apho­rismes ont été traduits à l’arabe et à l’i­tal­ien. 

Poèmes choi­sis

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Miguel Angel Real

Né en 1965, il pour­suit des études de français à l’Université de Val­ladol­id (Espagne), sa ville natale. Il tra­vaille en 1992 à l’Agence France Presse à Paris. Agrégé d’espagnol, il enseigne au Lycée de Cornouaille à Quim­per. En tant qu’au­teur, ses poèmes ont été pub­liés dans les revues La Gal­la Cien­cia, Fábu­la et Saigón (décem­bre 2018) (Espagne), Letralia (Venezuela), Marabun­ta, El Humo et La Piraña (Mex­ique), ain­si que dans l’an­tholo­gie de poésie brève “Gotas y hac­ha­zos” (Ed. PÁRAMO Espagne, décem­bre 2017). Les revues français­es “Le Cap­i­tal des Mots”, “Fes­ti­val Per­ma­nent des mots” “Lichen”,“La ter­rasse” et “Revue Méninge” ont égale­ment pub­lié cer­tains de ses poèmes en français, orig­in­aux ou traduits de l’es­pag­nol. Il a pub­lié en avril 2019 un recueil per­son­nel, Zoologías, aux édi­tions En Hui­da (Séville). Les édi­tions Sémaphore pub­lieront bien­tôt son recueil bilingue Comme un dé rond. Il fait par­tie du comité de rédac­tion de la revue poé­tique espag­nole Crátera. Il se con­sacre aus­si à la tra­duc­tion de poèmes, seul ou en col­lab­o­ra­tion avec Flo­rence Real ou Marceau Vasseur. Ses tra­duc­tions ont été pub­liées par de nom­breuses revues en France (Pas­sage d’en­cres, Le Cap­i­tal des mots, Mange-Monde), Espagne (La Gal­la Cien­cia, Crátera, El Colo­quio de los Per­rros) et Amérique (Low-Fi Arden­tia, Por­to Rico, La Piraña, Mex­ique). Dans cette dernière pub­li­ca­tion il dirige deux sec­tions de tra­duc­tion nom­mées « Le Piran­ha Transocéanique » (https://piranhamx.club/index.php/le-piranha-transoceanique) et « Ven­tana France­sa » (https://www.piranhamx.club/index.php/quienes-somos‑2/ventana-francesa) Tra­duc­tions pub­liées: — “Fauves” (Edi­to­r­i­al Corps Puce), poèmes de l’au­teur équa­to­rien RAMIRO OVIEDO (Traduit avec Marceau Vasseur, décem­bre 2017) — “Erra­tiques”, poèmes d’ANGÈLE CASANOVA, pho­tos de PHILIPPE MARTIN. Edi­tion bilingue. Édi­tions Pourquoi Viens-Tu Si Tard, octo­bre 2018 — “Les travaux de la nuit”, de PAUL SANDA. Édi­tion bilingue. Ed. Alcy­one, décem­bre 2018.
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